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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille
Autoren: Georges TABET , André TABET
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Zagreb… à Bayreuth même !
    Les ronflements montèrent en crescendo, le maître en était écœuré…
    — Partout, j’ai eu une vie de prince… En trois jours, j’ai tout perdu, et me voilà tombé au plus bas… et pourquoi ? parce que j’ai voulu rendre service… Ah !… plus tard, j’aurai une sévère discipline d’égoïsme… Mais plus tard, quand ? La guerre peut très bien traîner dix ans ! J’aurai une triste fin de carrière, ruiné, voûté, dans des vêtements râpés, traqué par les Allemands… Je sens autour de moi, même dans cette chambre, une étrange atmosphère. Je ne peux rien faire que continuer cette chevauchée wagnérienne, qui m’entraîne !… Jusqu’où ? Peut-être serai-je arrêté, jugé par un conseil de guerre allemand, fusillé… Mais plus tard, si Hitler perd, j’aurai un buste, à l’Opéra, un discours officiel… « mort pour la France »… des gerbes de fleurs… des couronnes… dont je me fous !
    Á cette idée, des larmes lui montèrent aux yeux, et Stanislas, entraîné par son imagination, pleura sur son propre corbillard…
    Les ronflements du major semblaient suivre le rythme de la « Calomnie » du Barbier de Séville… ; ils « s’enflaient, s’enflaient, s’enflaient en grandissant »… ; c’était « la tempête »…, le « vacarme infernal »…
    Stanislas, assis sur son lit, croisant les bras, se souvint brusquement que le peintre lui avait recommandé de siffler pour arrêter ses ronflements.
    Il siffla les premières notes de la Ronde du Veau d’Or, de Faust.
    Aussitôt, le tonnerre des ronflements s’arrêta, comme si, d’un coup de baguette, le chef avait marqué l’accord final.
    Amusé par ce détail, Stanislas qui passait en quelques secondes du désespoir à la joie, sourit et, donnant une petite tape sur le dos du major, murmura :
    — Merci, Augustin !

    *
    * *

    Dans le couloir, le carillon sonna 4 heures.
    Dehors, la nuit semblait fondre. Les dernières étoiles se dépêchaient de s’éteindre. Le vent nocturne était chassé par les premiers rayons du soleil. Mais l’air restait houleux, inquiet.
    M me  Germaine, en robe de chambre, ses grands yeux encore pleins de sommeil, entrouvrit la porte de Juliette :
    — Mon petit, levez-vous ! J’ai allumé la cuisinière… Soyez gentille, faites du café, dit-elle à voix basse.
    Juliette tourna, d’un brusque saut de carpe, sa petite croupe dure sous les draps…
    — Voilà…, on y va…
    Le couloir était encore obscur, quand Germaine frappa trois coups au n° 6 :
    — Réveillez-vous ! c’est l’heure.
    Stanislas avait senti les coups résonner dans son estomac vide…
    Et Achbach s’était levé, bondissant vers la porte.
    Ayant vu le major, Stanislas, épouvanté, se glissa complètement sous les draps. Son cœur s’arrêta net.
    Germaine fut suffoquée de voir l’officier à la place d’Augustin ou de Stanislas.
    — Oh ! pardon, dit-elle, je me suis trompé de chambre, excusez-moi.
    Achbach, courroucé, se recoucha, pendant que le pauvre Stanislas, tremblant, s’enfonçait au plus profond du lit. Une sueur d’agonie coulait sur son visage épouvanté…
    M me  Germaine, déconcertée par sa bévue, dans l’obscurité, frappa à une autre porte :
    — Il est 4 heures…
    Stürmer se dressa et, l’apercevant, Augustin terrifié plongea d’un seul coup dans le lit.
    Devant le lieutenant allemand, aux yeux engourdis de sommeil, M me  Germaine perdit pied :
    — Je… j’ai dû encore me tromper de chambre… Pardonnez, mes excuses…, bredouilla-t-elle.
    L’officier lui fit signe de parler plus bas :
    — Quatre heures… Vous êtes folle…, pas de bruit… Major fatigué… dormir…
    Avec une incroyable adresse, Augustin avait placé son traversin en longueur sous les draps et avait disparu sous le lit…
    L’angoisse disloquait les nerfs du pauvre garçon.
    De son côté, voyant que le terrible major s’était rendormi, Stanislas marchait à quatre pattes vers la porte.
    Il l’ouvrit, sortit de la chambre, toujours à quatre pattes, tête baissée. Brusquement, dans le couloir assombri, il sentit sur son front un choc violent : c’était Augustin, dans la même position canine…

XXX
    — Oh ! Ouah ! grognaient deux énormes bergers allemands qui bondissaient sur Germaine en gambadant :
    — César ! Brutus ! Silence ! dit-elle, près des fourneaux.
    Stanislas et Augustin dans la bonne chaleur
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