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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille
Autoren: Georges TABET , André TABET
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à Juliette plus tard, à Paris… Mais voilà… Paris, quand le reverrai-je ?
    Il se remémora la chanson de Charles Trenet :

    Si tu vas à Paris
    Dis bonjour aux amis…
     
    Combien d’exilés ont pleuré sur cette musique évoquant le Paris pluvieux dont les trottoirs luisent sous les réverbères… Maintenant lui aussi, il comprenait mieux la poignante nostalgie de ce refrain dont la détresse pesait sur son cœur.
    — J’ai laissé mes pinceaux, et mes deux pots de peinture dans mon atelier… Cette peinture, peu à peu, elle va sécher… ; elle ne vaudra plus rien… Quel gâchis ! Et qui sait si la Gestapo, qui perquisitionne chez moi, ne va pas boucler mon atelier… Bientôt, pour non-payement de loyer, on vendra mon fonds de commerce… Mon bien sera éparpillé… Un autre peintre achètera ce magasin et sera chez lui… et moi, je rentrerai, Dieu sait quand ! Je n’aurai plus rien… Un atelier à Barbès, certes, ce n’est pas pour décorer l’avenue Kléber…, mais c’est quand même quelque chose, et je l’aurai perdu… Or un peintre, sans atelier et sans ses pinceaux, c’est un clochard… Voilà ce que je serai… Beau parti pour une jolie fille comme Juliette.
    Le sommeil, assez vite, l’emporta avec des idées noires, tout plein de subconscient.

    *
    * *

    Achbach, ragaillardi après une bonne douche, se dirigeait vers sa chambre.
    Il entra au n° 6 (c’était le n° 9 à l’envers !) et se coucha, à plat ventre, se pelotonna sous les couvertures, chancelant de sommeil. Bientôt, il s’endormit, sans attendre la collation qu’il avait demandée, et qui tardait trop.
    Quant à Stanislas, arrivé au premier étage, il manœuvrait déjà le câble du monte-charge qui lui offrit le magnifique plateau de victuailles qu’il s’était composé.
    Marchant sur la pointe des pieds, tenant le plateau à bout de bras, le maestro se dirigeait vers sa chambre, quand un petit coup sur l’épaule le fit se retourner…
    — Merci d’avoir trouvé le souper pour mon officier, dit Stürmer, lui prenant des mains la magnifique collation.
    Stanislas, ébahi, resta les bras ballants.
    Stürmer entra dans la chambre obscure – le n° 6 – où déjà Augustin dormait, sous les couvertures. Croyant son supérieur endormi, il plaça le plateau sur la table de nuit :
    — Herr Major…, votre souper…
    Sans attendre la réponse, avec le moins de bruit possible pour ne pas déranger son chef, le lieutenant, se faisant tout petit, se coucha près d’Augustin.
    Bientôt les deux hommes dos à dos, furent entraînés dans le sommeil.
    Mais Augustin, même quand il était assoupi, avait l’odorat vigilant…
    L’odeur puissante du camembert chatouilla agréablement ses narines. Il se dressa, dans la pénombre, devina le plateau et s’émerveilla :
    — Ça alors…, c’est gentil… Il n’est pas si égoïste que ça…
    Il mit le plateau sur ses genoux, et mordit la cuisse de poulet :
    — Merci, Stanislas ! murmura-t-il, la bouche pleine.

    *
    * *

    Stanislas, dans la chambre voisine, tenaillé par sa faim, se mettait au lit. Il était à mille lieues de se douter que l’homme couché sur le ventre, dans l’obscurité, n’était pas Augustin, mais bien le major Achbach qui le pourchassait à travers la France.
    En se déshabillant, le musicien heurta un meuble.
    Achbach grogna dans son premier sommeil :
    — Vous… foutez-moi la paix ! lui lança Stanislas… fermez-la, vous m’entendez !
    Un nouveau grognement gronda en réponse.
    Achbach avait le sommeil dur.
    Stanislas songeait amèrement :
    — Il y a trois jours, j’étais un des rois de l’Opéra… Á cette heure-ci, après un triomphe, je rentrais dans mon hôtel particulier, avenue d’Iéna… Une belle m’attendait… petit souper aux chandelles… et ensuite… la symphonie de l’amour déchaîné… Maintenant, me voilà, au lieu de mes draps fins, dans du madapolam !… et à côté d’un peintre en bâtiment qui ronfle, l’animal…
    En effet, Achbach ronflait…
    Stanislas tapa sur le lit, au risque de le réveiller…
    — Moi qui n’ai pas fait de service militaire… les promiscuités prolétariennes de la chambrée m’ont été épargnées… Voilà que je me suis engagé dans une action guerrière, à cinquante ans…, c’est bien plus pénible qu’à vingt ans… Sarcasme de la destinée ! Quand retrouverai-je mon orchestre ?… J’ai dirigé à Boston, à Philadelphia, à
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