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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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assiduité, l’Américain, à l’instar de tous les hommes de foi à la recherche d’ouailles, s’était habitué à la présence de cette Anglaise qui buvait ses paroles comme s’il se fût agi d’une eau miraculeuse.
    Barbara avait l’air bouleversée.
    —  Mon révérend, il faudrait que vous imposiez à nouveau les mains à mon petit garçon, Joe. Il va de mal en pis. Ce matin, il a tout cassé dans sa chambre…
    —  Votre mari n’arrive pas à le calmer   ?
    Barbara dont les beaux yeux étaient remplis de larmes répondit à voix basse et en détournant la tête, comme si elle ne voulait pas que sa fille entendît ses propos :
    —  Brandon ne s’est jamais occupé de cet enfant…
    Mais Laura n’avait pas perdu une miette de cette confidence, distillée dans un soupir désespéré. Le regard fiévreux de sa mère en disait long sur la fascination que le révérend Roberts exerçait sur elle. Conséquence de l’ascétisme dont elle faisait preuve - elle ne se nourrissait plus que de riz et de légumes -, son visage avait minci, ce qui l’eût rajeunie sans la présence de cernes profonds sous ses yeux. Il faut dire que Joe, qui se réveillait plusieurs fois par nuit, ne lui laissait, à cet égard, aucun répit.
    —  Joe est le nom de mon frère, précisa Laura à La Pierre de Lune.
    —  Il ressemble à un Chinois   ! lui répondit le jeune garçon en souriant.
    Le pasteur ne tarda pas à répondre à sa mère au sujet de Brandon, dont il ne gardait manifestement pas le meilleur souvenir…
    —  Il a bien tort   ! Un père se doit d’éduquer son fils   !
    —  C’est un fait…
    —  N’hésitez pas à m’amener votre petit Joe, madame Brandon. Redresser les âmes qui croissent tordues, comme certains arbres miniatures que les gens d’ici font pousser dans ces immenses jarres de bronze, c’est le propre de mon métier   ! lâcha le pasteur Issachar Roberts avec emphase.
    Comme tous les missionnaires occidentaux, Issachar Jacox Roberts ne se posait aucune question sur la façon dont les Chinois pouvaient recevoir une doctrine aussi éloignée que le christianisme de leurs propres conceptions philosophiques et religieuses. Pour ces cultivateurs de la foi, la Chine n’était qu’une immense terre en friche où il fallait à tout prix semer la parole des Évangiles. Et peu importait si le terrain était impropre à la semence, puisque rien n’était impossible au Christ.
    —  Je sais   ! Je sais   ! souffla Barbara, éplorée et mains jointes, dans l’attitude d’une statue baroque de martyre.
    —  Ma tâche n’est pas tous les jours facile, mais je l’exerce avec toute ma foi   !
    —  Cela se voit, mon révérend.
    Il faut dire que l’Américain ne prenait pas de gants. Dans le but d’attirer au presbytère, au-delà des mendiants qu’il nourrissait, les gens de toute condition et de tout âge, tantôt il se plantait sur le perron de sa maison et assénait aux passants une lecture de quelques courts passages en chinois des Écritures saintes, tout en veillant à donner à ceux qui le voulaient un petit coup de Bible sur le front - une méthode de bénédiction selon lui plus efficace que la classique imposition des mains -, tantôt il se plantait à un carrefour pris au hasard pour y exhorter la foule. Le résultat était mitigé. D’une façon générale, Roberts se taillait un franc succès lorsque, campé dans son costume sombre de clergyman, il se mettait à chanter à tue-tête une prière tout en tapant des mains pour attirer l’attention des passants qu’il toisait du haut de ses un mètre quatre-vingts. Mais il arrivait aussi que les réactions de certains badauds particulièrement xénophobes - généralement membres de sociétés secrètes - fussent plus fraîches et même carrément hostiles.
    Dire que le religieux originaire du Tennessee prenait son apostolat très à cœur était un euphémisme. Roberts était persuadé qu’il suffisait de prêcher à une foule l’amour du Christ pour la convertir et la sauver de la géhenne vers laquelle elle courait tout droit. Faire en sorte que le pays le plus peuplé du monde abandonnât le taoïsme, le culte confucéen des ancêtres et plus généralement celui des idoles, ainsi que les diverses charlataneries auxquelles il s’adonnait sans retenue pour se tourner vers la religion du Christ, était devenu le but essentiel de son existence.
    —  Laura, ma chérie, peux-tu me laisser cinq minutes avec

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