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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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les femmes   !
    —  C’est un point de vue que je ne suis pas loin de partager   !
    —  On dit aussi que de nombreuses fillettes sont noyées à leur naissance parce que leurs parents les considèrent comme un fardeau inutile…
    —  Quelle horreur   ! murmura John, sans se douter que sa remarque allait faire exploser son chef.
    —  Vous n’êtes pas là pour juger, Bowles, mais pour rendre compte   ! Un journaliste se borne à raconter ce qu’il voit. Nous ne sommes pas des redresseurs de torts, Bowles   ! Tout ce que nous voulons, ce sont des reportages sur les enfants de cinq ans qui travaillent dans les mines de sel et sur les jeunes filles de treize ans qui vendent leurs charmes dans les maisons closes… et surtout pas des papiers larmoyants et moralisateurs susceptibles d’ennuyer notre lectorat qui n’en aura que foutre et nous délaissera   !
    Ces propos, qui tranchaient avec la ligne éditoriale plutôt sociale et avant-gardiste de l’«   ILN   », comme on l’appelait, lequel, au cours du mois précédent, s’était illustré par une virulente campagne impulsée par Ingram visant à faire interdire par le gouvernement le travail des enfants au fond des mines britanniques, firent sourire Bowles…
    Mais le succès d’un journal repose toujours sur cette subtile alchimie entre des principes antagonistes…
    —  Au fait, ajouta Goodridge, savez-vous écrire l’anglais sans fautes de syntaxe ni d’orthographe   ?
    —  Oui, monsieur Goodridge, mais pourquoi cette question   ?
    —  Parce que vous serez dessinateur-rédacteur, mon vieux   ! Il est hors de question d’envoyer un autre gus dans une contrée aussi lointaine… Je ruinerais le journal et M. Ingram me le reprocherait   !
    —  Je suis très honoré que vous ayez pensé à moi, monsieur Goodridge.
    —  J’ai pensé qu’il était plus facile de trouver un dessinateur sachant écrire qu’un rédacteur sachant dessiner   ! lâcha le rédacteur en chef qui n’était plus à une goujaterie près.
    Mais John était si heureux d’avoir été choisi que cette ultime perfidie n’avait aucune espèce d’importance.
    —  Quand devrai-je partir en Chine, M. Goodridge   ?
    —  À partir de maintenant, John, il faut m’appeler Sam   !
    C’était la première fois que son patron ordonnait à Bowles de l’appeler par son prénom. Docilement, le dessinateur de presse, toujours sur son petit nuage, obtempéra :
    —  Sam   !
    —  Par le prochain bateau, John. Je crois qu’il y en a un la semaine prochaine. En fait, cinq ou six navires quittent Londres, tous les mois, pour voguer vers l’Asie.
    —  Où prévoyez-vous de m’envoyer   ?
    —  A Canton. C’est là que vous serez basé. C’est là que l’opium arrive. Le fleuve qui traverse cette ville portuaire s’appelle la Rivière des Perles… Rien que ce nom-là, il me fait bander, John, parole   ! souffla le gros journaliste en se passant la main sur le bas de l’estomac.
    —  Et dire que je n’ai jamais mis un pied hors de l’Angleterre, si ce n’est pour me rendre au Pays de Galles… fit John, tourneboulé.
    Le dessinateur commençait à prendre conscience que sa vie était en train de basculer. Tout était allé si vite   ! Pensant se faire virer lorsqu’il était entré dans le bureau de Goodridge, voilà qu’il se retrouvait propulsé à l’autre bout du monde.
    —  Vous êtes jeune et intelligent… Il vous suffira de quelques jours, John, pour être comme un poisson chinois dans l’eau de cette Rivière des Perles.
    —  Vraiment   ? ânonna, la gorge nouée, l’intéressé.
    —  Si je vous le dis… Et puis, le journal vous donnera de quoi vous assurer les services d’un interprète. Tout au moins pendant les premiers mois de votre séjour. Je suis sûr qu’en six semaines vous saurez déjà vous débrouiller en cantonais   !
    —  Pourrais-je connaître les contours exacts de ma mission en Chine, Sam   ? s’enquit Bowles, qui commençait à se sentir pris d’un léger vertige face au défi qu’il aurait à relever.
    Sa tâche de dessinateur de presse consistait à croquer sur le vif les faits divers de toute nature - prostituées assassinées par des maniaques après avoir subi les pires tortures ; passants détroussés en un éclair par des bandes de malfrats des rues ; pillages de magasins luxueux par des miséreux qui n’avaient rien à se mettre sous la dent ; incendies de baraquements où

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