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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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une femme qu’ils avaient prise pour une prostituée   ! lâcha, en se levant, le jésuite auquel le manège de la fille n’avait pas échappé.
    —  J’essaierai de suivre vos conseils… même si cela risque de m’être très difficile   ! plaisanta le Français.
    Il tenait à peine debout. La décompression, inéluctable après une si longue traversée, à quoi il fallait ajouter l’extrême chaleur qui régnait sur la ville, avait épuisé le jeune Français.
    —  Que souhaitez-vous faire à présent   ? s’enquit le Portugais en constatant son état de fatigue.
    —  Il faudrait que je trouve un endroit pour poser mes valises. Vous devez sûrement connaître une petite pension de famille dont les tarifs sont à la portée de ma modeste bourse…
    —  Vous plaisantez   ? Vous êtes l’hôte de la Compagnie de Jésus. Notre maison dispose de plusieurs chambres pour les visiteurs de passage. Cela vous permettra de prendre le temps nécessaire pour chercher un logement décent. À Shanghai, ce n’est pas le plus facile. Si vous saviez les bouges que les Chinois louent parfois aux étrangers…
    Vuibert accepta volontiers. Après la fatigue du voyage, il se voyait mal errant dans les rues de la grande ville portuaire pour trouver son gîte, et la perspective d’entrer en contact avec Niggles, par l’entremise de Freitas, était somme toute alléchante.
    Le jésuite héla un palanquin.
    Entre Zikkawei, le quartier excentré où logeaient les jésuites, et le centre-ville, s’étendait une vaste zone maraîchère où des hommes accroupis à même le sol boueux portaient à la bouche leurs doigts qu’ils trempaient dans des bassines remplies de matière fécale comme s’il se fût agi de confiture   !
    — - Connaissez-vous un autre pays où les jardiniers sont capables de goûter les excréments humains pour déterminer s’ils proviennent de la digestion de viande ou de celle de poisson   ? lui demanda benoîtement le jésuite.
    Le Français, qui avait mis un certain temps à réaliser ce qu’il voyait, plaça la main devant sa bouche.
    —  Pourquoi font-ils ça   ? lâcha-t-il, écœuré.
    Le rire sardonique du Portugais lui glaça les os.
    —  C’est tout simple : parce que les excréments à base de viande sont plus chers que les autres et que les Chinois, d’une façon générale, détestent se faire escroquer…
    —  C’est affreux… Quelle coutume barbare… C’est incroyable   !
    —  En Chine, vous verrez très vite qu’on peut souvent dire : « incroyable… mais vrai   !   »… Au fait, voilà le terrain que je vous propose   ! s’écria Freitas en désignant une immense friche recouverte d’herbes folles où erraient des chiens en quête de nourriture. C’est grand, n’est-ce pas   ?
    —  En effet… il y a de quoi faire   ! lâcha, sans trop de conviction, le Français, dont les narines étaient encore tout imprégnées d’une infâme odeur de merde.
    Le jésuite éclata de rire et montra le dessus de ses mains.
    —  Vous verrez… dans moins de deux ans, la ville l’aura entièrement recouvert et il vaudra trois fois son prix actuel. Comme les ongles que vous voyez, Shanghai ne cesse de pousser   ! Vous aurez constaté à quelle vitesse les Chinois démolissent puis rebâtissent, comme de vraies fourmis industrieuses.
    —  Je n’en doute pas… dit sobrement Antoine dont les yeux s’étaient embués de sommeil.
    Le jésuite, qui n’était pas du genre à lâcher prise, enfonça le clou.
    —  Vous pouvez m’en croire, monsieur Vuibert, avec ce terrain, la France disposera d’une des plus belles implantations de Shanghai…

 
    13
     
    Londres, 8 janvier 1847
     
    Lorsque John Bowles pénétra dans le bureau surchauffé de Sam Goodridge, son rédacteur en chef, et qu’il aperçut, posées sur la table, les semelles cloutées de ses énormes godillots, il comprit instantanément que son supérieur hiérarchique allait lui faire une de ces propositions auxquelles il était illusoire d’imaginer se soustraire…
    Du coup, son visage carré aux yeux bleu vif, encadré par des cheveux blonds mi-longs et animé par une grande bouche mobile, se renfrogna en même temps que ses lèvres gourmandes et charnues, qui attestaient de sa propension à consommer la chandelle de l’existence par les deux bouts, firent la moue.
    Il est nécessaire de préciser que Goodridge, du genre brutal et autoritaire quand c’était nécessaire, mettait toujours

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