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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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définitivement le clou.
    —  Lors de ma prochaine tournée d’inspection, je suis certain que vous m’emmènerez visiter la vigne que vous aurez eu à cœur de planter   !
    —  Promis   ! lâcha le Portugais de mauvaise grâce.
    Il se consola en se disant que la noblesse de la condition de jésuite consistait à obéir sans barguigner aux ordres de la hiérarchie, fussent-ils les plus fantasques.
    Et puis, surtout, il avait intérêt à ne pas trop se singulariser car là-haut, s’ils avaient su…
    Il frissonna, chassa de son esprit cette obsession angoissante et, d’un pas vif, entraîna l’inspecteur dans la maison mitoyenne, sur le seuil de laquelle les attendait une jeune femme au visage avenant qui les fit entrer. A l’intérieur, dans un silence religieux, huit hommes et cinq femmes assis devant de longues tables coupaient, piquaient, cousaient et brodaient des ornements liturgiques.
    —  Je vous présente Châtaigne d’Eau… C’est elle qui dirige l’atelier de coupe et de broderie de nos ornements liturgiques. Châtaigne d’Eau a appris à broder la soie à l’âge de sept ans à la manufacture impériale. Elle a des doigts en or.
    L’intéressée, plutôt menue, s’inclina avec respect enjoignant ses mains sur son front à la façon des bouddhistes. La douceur de ses yeux était frappante. Face à cette présence féminine, Suarez se renfrogna. Puis, entre ses dents, il souffla à Freitas :
    —  Je constate que vous n’avez pas hésité à confier une tâche aussi essentielle à une autochtone…
    Le mépris cinglant avec lequel l’Espagnol avait prononcé sa phrase acheva de libérer le bouillant Portugais, qui lui répliqua d’une voix ferme :
    —  Sous mon étroit contrôle, père Suarez   ! Châtaigne d’Eau est une travailleuse hors pair. Elle dirige avec maestria son équipe d’ouvrières. Cette fille est une véritable experte dans son domaine…
    —  Est-elle au moins honnête   ?
    —  D’une honnêteté remarquable   !
    En appui à ses propos, il fit signe des yeux à l’intéressée de déployer quelques ornements liturgiques à l’attention de l’Espagnol. La jeune femme s’exécuta volontiers et étendit sur la table une somptueuse étole de soie aubergine brodée au fil d’or. Sur l’une des pointes apparaissait le symbole du Yin et du Yang tandis que sur l’autre figurait un cœur surmonté d’une croix, symbole du sacrifice de Jésus.
    —  Tout à l’heure, vous m’avez affirmé que plus des trois quarts des Chinois n’étaient pas des gens honnêtes… lâcha l’inspecteur, de plus en plus aigre, sans même jeter un regard sur les broderies chatoyantes étalées sous ses yeux.
    —  Admirez un peu ce travail, père Suarez, et avouez que Sa Sainteté notre pape s’en contenterait volontiers… rétorqua Freitas, décontenancé par l’agressivité de l’Espagnol.
    Celui-ci ne daigna même pas toucher la pièce de soie brodée que lui tendait le Portugais et planta ses yeux dans les siens avant de lui chuchoter à voix basse, comme s’il avait peur d’être compris par les Chinois présents :
    —  Je ne suis pas venu ici pour inspecter - comme on dit parfois - des travaux finis, mais pour vous faire part d’une demande expresse du père Giardini   ! fit Suarez, dont la brusquerie témoignait en fait d’une certaine gêne.
    Freitas l’entraîna vers le seuil.
    —  Pourquoi avoir attendu si longtemps pour m’en faire part… Allons dehors, nous serons mieux pour en parler   ! lâcha le Portugais, soulagé et inquiet à la fois.
    Ils firent quelques pas le long d’un champ de soja à moitié inondé où des paysans plutôt âgés et en guenilles arrachaient à la main des herbes folles dont ils remplissaient de grands paniers d’osier.
    Pour Suarez, qui ne prêtait aucune attention à ces pauvres gens, l’essentiel était de délivrer à Freitas le message qui expliquait sa présence à Shanghai.
    —  La province de Chine s’est engagée à fournir des subsides à « Rome   ». L’Église catholique, en ces temps d’expansion, a un grand besoin d’argent. Comme toujours, lorsque les temps sont difficiles, le Très Saint-Père se tourne d’autant plus volontiers vers la Compagnie qu’elle a la réputation d’être riche…
    En jargon jésuitique, « Rome   » désignait le siège de la Compagnie de Jésus, un palais de la Renaissance dont la façade austère se dressait dans la rue du Borgo Santo Spirito, à un

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