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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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jet de pierre de la chapelle Sixtine. C’était là que résidait le père général de la Compagnie de Jésus. Élu à vie par ses pairs et d’une discrétion légendaire, celui qu’on surnommait le « Pape noir   », en raison de la couleur de sa soutane, était l’un des prélats les plus puissants de la chrétienté romaine.
    —  Comment pourrait-il en être autrement, père Suarez   ? Tout navire a besoin de vent pour avancer   ! murmura Freitas, la gorge nouée, qui voyait désormais fort bien où l’autre voulait en venir.
    —  En tout, « Rome   » va devoir payer cinq mille écus or au Vatican.
    Le Portugais faillit s’étrangler.
    —  C’est une somme colossale…
    —  Notre province devra en prendre le dixième à sa charge… C’est ce que le père Giardini a appris au cours de son séjour à Rome, de la bouche même du père général.
    Freitas s’épongea le front. Cinq cents écus or, c’était le prix d’un gros navire marchand avec sa cargaison d’opium ou encore celui de trois ou quatre immeubles de rapport à Hongkong où les loyers ne cessaient de flamber depuis l’installation des Anglais.
    —  Dix pour cent pour la seule Chine, alors que les provinces de la vieille Europe sont bien plus riches que nous… Voilà qui me paraît injuste   ! soupira le Portugais.
    —  Le père Anselmy partage votre avis. Il s’est battu pour faire baisser ce pourcentage, arguant du fait que nous avons à faire face à de nombreuses dépenses. Rien n’y a fait. A Rome, ils sont persuadés que nous sommes cousus d’or… La Chine est devenue le dernier eldorado à la mode… Là-bas, ils croient tous que l’argent y coule à flots et qu’il suffit de se baisser pour le ramasser   ! éructa Suarez.
    —  Ils feraient mieux de venir y faire un tour   ! pesta Diogo de Freitas Branco.
    —  Inutile de vous préciser qu’à Macao nous n’avons pas le premier sou vaillant pour payer la somme réclamée… enchaîna l’Espagnol.
    La minuscule communauté jésuite de Shanghai renflouant les caisses du Vatican… Il valait mieux en rire   !
    —  Je pourrais obliger ces pauvres gens à acheter de force mon catéchisme   ! plaisanta le Portugais en désignant les paysans en haillons qui s’affairaient à quelques mètres d’eux.
    Suarez fit comme s’il n’avait pas entendu et se mit à dérouler son raisonnement.
    —  Pour ce qui est de la Chine continentale, mieux vaut oublier les communautés de Canton et de Pékin, qui sont de fondation bien trop récente pour disposer du moindre trésor de guerre. Quant à celle de Hangzhou, je ne me vois pas demander au père Ruffles de payer quoi que ce soit. Il se plaint de ne même pas avoir de quoi acheter la cire d’abeille pour ses cierges… Ce terrain que vous comptez vendre à l’État français, avez-vous une idée de son prix   ?
    —  Pas vraiment. Pour tout vous dire, père Suarez, je n’y ai pas encore réfléchi…
    —  Faites travailler vos méninges… Le père Giardini vous fait entièrement confiance…
    Le message était clair. Diogo de Freitas Branco devait se débrouiller pour trouver cinq cents écus or et les ramener à son provincial…
    —  Et il est, bien entendu, particulièrement pressé de percevoir cet argent…
    —  Vous y êtes   ! Ce qui me plaît avec vous, père Diogo, c’est votre faculté de comprendre à demi-mot… conclut l’Espagnol avec un sourire narquois.
    Tout en aidant son visiteur à franchir les champs embourbés, le père Diogo de Freitas Branco, contrarié par l’ahurissante demande de son provincial, se perdait en conjectures.
    Il fallait oser   ! Les chefs suprêmes étaient tous les mêmes… Ils demandaient l’impossible à leurs collaborateurs sans s’inquiéter du reste. C’était leur force… et aussi leur façon d’asseoir leur autorité.
    Le Portugais ne se voyait pas annonçant, le moment venu, à Giardini qu’il n’avait pas été capable de réunir cette somme colossale : il serait couvert d’opprobre et, à Rome, on lui jetterait l’anathème. Quant à la communauté de Shanghai, aujourd’hui portée au pinacle, elle serait à coup sûr montrée du doigt et traitée plus bas que terre…
    Comme le disaient les Romains, la roche Tarpéienne est près du Capitole…
    Il faut préciser qu’une âpre émulation régnait entre les communautés jésuites. Tous les moyens étaient bons pour se retrouver en haut du classement que les autorités

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