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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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comme les siens ; sa peau d’une blancheur nacrée, à peine teintée par une adorable matité… Il aurait la grâce inouïe des mélanges… car c’était un enfant issu de deux mondes différents, un enfant de l’amour…
    Fruit de l’union entre un Chinois et une étrangère, cet enfant ferait également figure d’exception. La situation inverse était de plus en plus courante. Il arrivait aux Chinoises de se faire engrosser par des marins ou par des commerçants étrangers qui les abandonnaient la plupart du temps à leur sort une fois qu’ils en avaient épuisé les charmes. Ces pauvres femmes dont le gros ventre témoignait de la condition infamante devenaient des réprouvées et des intouchables, tout juste bonnes à se prostituer et à mendier. Laura les voyait débarquer par dizaines chez le révérend Roberts, bannies par leurs familles après avoir été chassées de leur maison et sans même suffisamment de lait pour nourrir leur enfant.
    On comprendra pourquoi la situation dans laquelle se trouvait Laura lui donnait quelque peu le vertige. Même si la réaction de La Pierre de Lune, dont elle n’avait jamais vraiment douté, lui mettait du baume au cœur, elle ne pouvait s’empêcher de se poser mille questions sur leur capacité à assumer l’arrivée d’un enfant en de pareilles circonstances.
    —  Tu ne peux pas imaginer le plaisir que tu me fais   ! Je suis carrément fou de joie   ! assura La Pierre de Lune en serrant furtivement la cuisse de Laura.
    Il se releva vivement. Dans la cour du presbytère, ils pouvaient être surpris à tout moment par cet infâme Bambridge qui rôdaillait toujours dans les parages.
    —  Personne d’autre que toi n’est au courant, mon amour.
    —  Pas même ta maman   ?
    —  Surtout pas, elle en ferait une syncope…
    —  En es-tu sûre   ?
    —  Elle ne l’admettrait pas… À ses yeux, je deviendrais ce qu’on appelle chez nous une « fille mère   », c’est-à-dire guère mieux qu’une prostituée…
    —  Qu’est-ce qui te fait dire ça   ?
    —  Maman est prisonnière de son éducation. En Angleterre, les codes sociaux sont très rigides. Et puis, elle pensera que je suis incapable, vu mon âge, d’élever correctement un enfant   !
    —  Mais si elle t’aime, pourquoi ne comprendrait-elle pas ce qui nous arrive   ? Pourquoi ne serait-elle pas capable, elle aussi, de briser les conventions   ? Pour ma part, j’ai confiance dans sa capacité à te comprendre. À nous comprendre   !
    Laura baissa les yeux et une ombre passa sur son visage.
    —  Maman ne me parle jamais de ce qu’elle ressent, de ce qu’elle pense au fond d’elle-même… fit-elle tristement.
    —  Ta maman est plus large d’esprit que tu ne le crois. Le fait de préférer rester en Chine, alors que son époux avait décidé de repartir à Londres, ne plaide-t-il pas en ce sens   ? Tu as de la chance d’avoir une mère comme celle-là   !
    La Pierre de Lune, qui n’avait pas connu l’amour d’une mère, ne se lassait pas de la compagnie de l’épouse de Brandon depuis qu’elle avait rejoint le presbytère du pasteur Roberts. Il lui vouait même un véritable culte. Il faisait ses courses, l’aidait à préparer les repas. Il lui arrivait de passer de longues heures à discuter de tout et de rien avec elle. Barbara, de son côté, lui enseignait les mots d’anglais que Roberts ne lui avait pas encore appris, si bien que le jeune Chinois pouvait désormais soutenir sans aucun mal une conversation courante. Elle était douce, bienveillante, à mille lieux de la sourde hostilité des « femmes   » de sa famille qu’il avait presque fini par oublier depuis qu’il les avait quittées. Tout à son désir de trouver la bonne méthode pour convertir les Chinois à la parole du Christ, elle lui posait de surcroît quantité de questions sur leur façon de vivre et la jovialité dont ils étaient coutumiers, y compris dans les situations les plus noires. A ses interrogations, La Pierre de Lune répondait toujours avec passion, de sorte que leurs discussions pouvaient durer des heures, allant de l’explication du culte des ancêtres et de la façon dont on doit brûler des bâtonnets d’encens devant de minuscules tabernacles, aux qualités respectives de Men Shen, le Dieu des Portes, et de Cai Shen, celui des Richesses et de la Chance, sans oublier Guan Yin, la forme féminine du bodhisattva Avalokiteçvara, pourvoyeuse de garçons pour les

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