La guerre de l'opium
« soupe de famine AX »…
— Je n’ai jamais entendu parler de ce genre de repas… fit Jasmin Éthéré, étonnée.
— Tu vas en forêt et tu ramasses les plantes qui ont des racines et les feuilles les plus tendres des arbres. Si tu n’en connais pas certaines, tu t’abstiens. Une fois rentré à la maison, tu fais bouillir le tout. Alors, tu peux manger ta soupe de famine. Si tu as bien choisi les plantes, ton estomac sera calé ! lui expliqua l’aïeule avec des gestes vifs.
Mesure de l’Incomparable, qui tombait de fatigue, s’éclipsa, laissant les deux femmes continuer à bavarder de tout et de rien comme si elles se connaissaient depuis des lustres.
Malgré la lumière aveuglante de la fin de matinée, il dormait du sommeil du juste sur l’unique couche de la chambrette de Prune Sombre lorsque Jasmin Éthéré l’y rejoignit, en essayant de faire le moins de bruit possible.
— Je peux ? fit-elle, tout aussi épuisée que lui, en se glissant à ses côtés.
— Bien sûr que tu peux… murmura-t-il, engourdi de sommeil.
Elle s’allongea à l’autre bout du lit, de peur de le gêner.
Lorsqu’elle se réveilla, au petit matin du jour suivant, après avoir rêvé qu’elle avait passé la nuit à faire l’amour avec Tang, Jasmin Éthéré sentit la chaleur du corps de Mesure de l’Incomparable, collé au sien, nu et luisant de sueur, qui dormait à poings fermés. Elle vit sa Hampe de Jade encore toute gonflée, prête à se redresser, et, sur la housse du matelas de coton brut, elle distingua des taches blanchâtres, en forme de feuilles de chêne, qui ressemblaient furieusement à des traces de suc vital.
Histoire de vérifier si son rêve était, ou non, devenu réalité, la jeune femme effleura d’un doigt sa Vallée Subtile et constata, à moitié surprise, qu’elle était également pleine de rosée céleste…
Aussitôt, une onde parcourut son ventre et y creusa le sillon du plaisir.
Elle ne put s’empêcher de sourire, en même temps qu’elle étendait la main, en fermant les yeux, pour effleurer la natte de Mesure de l’Incomparable. Les cheveux de l’homme, visiblement repu d’amour, qui gisait à ses côtés en souriant aux étoiles étaient doux comme de la soie.
Une page de sa vie de femme venait de se tourner : Tang n’était plus le seul être à lui donner du plaisir et, contrairement à ses dires, la même serrure pouvait être ouverte par plusieurs clés…
25
Canton, 13 juin 1847
Laura Clearstone s’épongea le front. Elle ruisselait de sueur. L’étouffante moiteur de l’atmosphère ambiante qui mettait déjà à rude épreuve les nerfs des habitants de Canton annonçait des chaleurs estivales particulièrement éprouvantes. En proie à un léger vertige, elle chercha des yeux un escabeau sur lequel elle pourrait s’assoir. Pour une fois, La Pierre de Lune ne se précipita pas vers elle. Il était ailleurs, au point qu’il n’avait même pas remarqué que la fille de Barbara n’avait pas l’air dans son assiette.
Après avoir terminé un bol de soupe pimentée aux nouilles, il finit par lui lancer :
— Ma Laura, m’accompagneras-tu, cette fois, chez l’antiquaire ? Je n’ai aucune envie de m’y rendre seul !
Le ton de sa voix traduisait une certaine angoisse et la jeune Anglaise comprit sans peine que son amant était plus chiffonné qu’il n’y paraissait par les propos tenus par Tang au cours de leur visite.
— Ils croient tous avoir affaire à Droit Devant ! Tu n’as rien à craindre.
— Je sais… fit-il sans conviction.
De peur de l’alarmer outre mesure, il n’osait pas lui dire que, si Rosy Elliott l’appelait par son vrai nom devant les autres, de gros ennuis risquaient fort de commencer pour lui.
La jeune femme alla s’asseoir sur l’un des bancs empoussiérés de la cour du presbytère. Malgré son visage un peu las, La Pierre de Lune la trouvait très en beauté dans sa robe d’organdi qui mettait en valeur les boucles naturellement dorées de sa chevelure. Il s’approcha d’elle et sa main effleura la sienne.
— Tu es magnifique… glissa-t-il.
Elle fit comme si elle n’avait pas entendu.
— Si tu as besoin de moi, je serai à tes côtés… Tu peux me réquisitionner ! lâcha-t-elle en souriant.
— Si quelqu’un a été réquisitionné, c’est plutôt moi, par cette terrible Mme Elliott ! protesta-t-il en regrettant aussitôt de se laisser
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