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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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articulations…
    L’homme, qui parlait comme un taoïste, poursuivait son exposé :
    —  La vésicule biliaire de cette femme nez long est affectée d’une maladie froide   ! lâcha le praticien avec componction, qu’elle prenne un peu de cette poudre diluée dans beaucoup de thé vert   ! Si elle ne va pas mieux demain matin, il nous faudra vérifier les « cinq organes   » et les « six viscères   » permettant au souffle Qi de circuler correctement dans le corps de madame   !
    Puis il sortit de sa poche deux petites pilules noires qu’il fit ingurgiter à Barbara avant de plonger sa main dans une bourse de cuir suspendue à sa ceinture d’où il retira une pincée d’armoise et de déposer le tout dans une soucoupe. Après avoir placé les feuilles broyées sur le front de Barbara, il alluma le moxa {32}   et poursuivit son propos tandis que l’odeur caractéristique de l’ Artemisia vulgaris se répandait dans la pièce.
    —  Le sang et les souffles sont les fleurs de l’homme ; les cinq viscères en sont les essences. Dès lors que le sang et les souffles peuvent se condenser dans les cinq viscères sans se répandre dehors, la poitrine et le ventre s’en remplissent, les convoitises et les désirs diminuent. Cette dame paraît souffrir d’une petite hémorragie interne… qui semble en voie de résorption…
    Après avoir déplacé le bol à moxa sur le ventre de Barbara, il lui demanda, par l’intermédiaire du pasteur :
    —  Est-ce que vous vous sentez mieux   ?
    Les feuilles étaient consumées.
    —  Beaucoup. Ce n’est rien de bien grave. Juste… la chaleur… probablement… souffla l’intéressée qui suait à présent à grosses gouttes.
    Après avoir salué l’assistance et empoché un liang de bronze, le praticien prit congé de façon obséquieuse. Une fois le médecin parti, Laura aida sa mère à se relever et à regagner son lit.
    —  Avez-vous besoin de nous   ? s’enquit Roberts.
    —  Merci beaucoup, mais ça ira fort bien… lui répondit la mère de Laura qui s’appuyait sur les épaules de sa fille.
    Elle s’allongea en gémissant.
    —  Tu as mal, maman   ?
    —  J’ai le dos en compote. C’est la station debout. Demain, ça ira mieux   !
    Elle ferma les yeux, au point que Laura crut qu’elle s’était endormie. Au bout de longues minutes, elle les rouvrit et dit à sa fille d’une voix douce mais sur un ton ferme :
    —  Tu vois bien qu’il n’est pas réaliste de revenir à Londres, ma chérie… Papa étant décédé, je ne sais même pas où nous irions loger   ! Je n’accepterai jamais pour Joe et toi une existence de mendiants   !
    Pour Laura, bouleversée, les choses étaient claires : sa mère rejetait de toutes ses fibres l’idée d’un retour à Londres et elle n’était pas près de quitter la Chine. Le décès de son père n’y changeait rien, au contraire. En l’absence de La Pierre de Lune, l’avenir ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Elle ne se voyait pas en fille mère chez ce pasteur baptiste rigoriste flanqué d’une gouvernante sournoise. Quitter ce maudit presbytère en compagnie de sa mère lui paraissait une issue plus acceptable.
    Aussi, bien décidée à mesurer l’obstination avec laquelle sa mère risquait de s’efforcer de mettre un terme à ses projets, elle décida de lui tendre une ultime perche.
    —  Et si nous demandions à oncle William de nous héberger dans sa ferme, à la campagne   ?
    —  Pauvre William   ! Il peut déjà à peine nourrir sa famille. Jamais je ne pourrai lui imposer un tel fardeau. Notre avenir est ici, ma chérie, dans ce pays immense dont le peuple déchristianisé vit dans des conditions épouvantables. Il y a tellement à lui donner…
    Laura, de plus en plus anxieuse, serrait très fort les mains de sa mère dans les siennes. Malgré la chaleur ambiante, elles étaient froides comme la glace. Elle fixa ses yeux et constata que leurs pupilles s’étaient considérablement dilatées.
    —  Maman…
    —  Quoi   ?
    —  Maman, il faut commencer par guérir toi-même. Tu as l’air si fatiguée… Ces distributions de catéchismes en plein soleil, ce n’est pas bon pour ta santé, maman   !
    —  Ce n’est rien, ma chérie… Après une bonne nuit, ça ira mieux…
    Laura était consternée : sa mère persistait à ne rien laisser paraître des sentiments que lui inspirait le décès de Brandon. À croire que l’annonce de son suicide ne

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