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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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Barbara… ce couard de Brandon qui lui envoyait sa fille pour lui annoncer la bonne nouvelle parce qu’il craignait de le faire lui-même   ?
    Nash fulminait et ses mains tremblaient quand il décacheta l’enveloppe ; il reconnut sans peine l’encre verte d’un ridicule achevé. Brandon écrivait ses lettres sur un papier qu’il chipait à Barbara, reconnaissable à l’odeur capiteuse du patchouli à la violette dont il était imbibé… des effluves qui, immanquablement, lui rappelèrent aussi les nombreuses lettres que celle-ci avait eu l’occasion de lui adresser.
    Un comble   !
    « Cher monsieur Stocklett,
    « Les affaires sont de plus en plus mauvaises. Aussi, je me vois contraint de solliciter de votre part un ultime service…   »
    Il arrêta de lire. C’en était trop. Finir cette lettre au ton ampoulé était au-dessus de ses forces. D’ailleurs, il en connaissait déjà la fin, puisque Laura, avec l’innocence des enfants, lui avait fait part de la requête de son père.
    —  Vous ne voulez pas la lire, monsieur Stocklett   ? lui demanda-t-elle naïvement, avant d’insister :
    —  En fait, papa m’a dit que c’était important…
    Nash regarda la fille de Barbara qui baissa instantanément les yeux. Il n’avait jamais pu établir un contact correct avec elle. Depuis qu’elle était enfant, elle le fuyait comme la peste. Rien n’y faisait. Pas plus les luxueuses éditions de livres de Jane Austen ou de Walter Scott qu’il lui avait offertes pour son dernier anniversaire, que les poupées enrubannées à tête de porcelaine et autres maquettes de palais princiers dont il inondait les deux enfants Clearstone depuis leur plus jeune âge.
    Assurément, Laura serait aussi belle que sa mère… songea-t-il en contemplant le visage de la jeune fille dont l’air sérieux, presque sévère, accentuait le côté raphaélite et hors du temps. Comme Barbara, elle avait les lèvres pulpeuses, mais juste ce qu’il fallait; comme sa mère, la pointe de ses sourcils parfaitement dessinés allait se perdre vers la tempe et adoucissait le regard jusqu’à le rendre angélique ; les mêmes mains, des mains fines et blanches comme celles des statues des reliquaires en albâtre de style gothique, toujours sagement posées sur les genoux lorsqu’elle était assise… des mains semblables à celles de sa mère… des mains contre lesquelles il avait si souvent appuyé ses lèvres.
    Ah   ! si Barbara Clearstone eût été sa femme… Barbara qu’il connaissait depuis l’adolescence. Barbara, la femme de sa vie, la seule dont il avait été - et était toujours - follement amoureux   !
    C’était l’histoire d’un de ces gigantesques gâchis, d’une de ces terribles occasions manquées qui laissent à ses malheureux protagonistes un goût de cendre dans la bouche…
    Lorsqu’elle avait onze ans, les parents de Barbara Wilson, des anglicans de stricte obédience et ultra-pratiquants, avaient emménagé à Durham dans la maison mitoyenne de celle de Nash qui, à l’époque, en avait douze. Jeux et fous rires avaient ponctué leurs rencontres hebdomadaires, chaque fin de semaine, quand Nash, qui était pensionnaire à l’internat du lycée où son père enseignait, revenait dans sa famille. Barbara l’invitait chez elle, où sa mère confectionnait des tartes fameuses, à la rhubarbe et à la myrtille, servies dans de larges assiettes rustiques. De son côté, Nash emmenait volontiers Barbara se promener dans les forêts environnantes où, enfin seuls au monde, ils jouaient à Robin des Bois.
    Un jour de printemps de l’année 1819, après l’avoir doucement plaquée contre l’épais tapis de mousse qui recouvrait le tronc d’un chêne, il l’avait embrassée. Elle s’était laissé faire. Elle avait douze ans et lui treize, l’âge où les premiers appétits sexuels travaillent les garçons et influent sur leur comportement. La semaine suivante, il avait recommencé, forçant cette fois les lèvres de Barbara pour introduire sa langue dans sa bouche. Elle avait adoré au point que, la deuxième fois, c’est elle qui avait pris les devants, dans une cabane de chasseurs de canards construite sur les berges d’un petit étang. Les sombres forêts de hêtres cernées par les vertes prairies herbeuses des environs de Durham avaient ainsi été les témoins de leurs premiers émois d’adolescents.
    Follement amoureux l’un de l’autre, ils n’avaient pu faire autrement que de garder

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