La guerre de l'opium
chez l’autre.
Leur entente physique n’avait même pas eu besoin de ce piment qu’y ajoute souvent le tabou de l’adultère tellement elle était parfaite.
Avant d’enlacer son amante, Nash la déshabillait lentement, selon un cérémonial invariable. Quand il ne restait plus que son porte-jarretelles, il lui embrassait goulûment les parties intimes. Puis il lui massait le dos sur lequel il pouvait voir les marques laissées par les baleines de la gaine qu’elle portait jour et nuit, comme bien des Anglaises à l’époque victorienne, l’éducation des femmes leur déniant la propriété de leur corps, ce qui les ravalait au rang de machines à fabriquer des enfants ayant vocation à n’appartenir qu’à leur mari.
Nash et Barbara formaient un couple illégitime, avec tout ce que cela implique de frustration et de mensonge : on se quitte au début de la nuit ; on fait l’amour à la sauvette ; on a peur, quand on entre au restaurant au bras de sa maîtresse, d’être reconnu par des proches. Au fil des mois, Nash avait accentué sa pression.
— Barbara, si tu ne divorces pas, je finirai par cesser de te voir… lui avait-il lancé un jour en remettant son pantalon alors qu’elle, encore pantelante, s’accordait quelques minutes de plus dans le lit de son amant avant d’aller faire un brin de toilette et de se recoiffer.
Malgré son état de post-jouissance, sa réponse avait fusé, toujours la même.
— Le mariage est un lien sacramentel que seul Dieu peut défaire, Nash ! Si nous nous sommes perdus de vue après nous être aimés, c’est que le Seigneur l’a voulu !
— Je suis amoureux de toi… Tu es la femme de ma vie… Nous pourrions fonder une famille… faire des enfants… Je ne veux plus de cette liaison cachée !
Mais Barbara, en larmes et désespérée, avait aussitôt mis les choses au point :
— C’est impossible, Nash ! D’ailleurs, le jour où j’irai voir un prêtre pour confesser mes fautes, il m’ordonnera de cesser de te voir et je serai bien forcée de lui obéir !
Il enrageait de constater que les convictions religieuses de Barbara entravaient à ce point son libre arbitre.
— J’ignorais que tu avais besoin d’un directeur de conscience !
— Nous vivons dans le péché, Nash ! avait-elle gémi.
Elle était si défaite qu’il avait remisé son offensive à des jours meilleurs.
Un an et demi plus tard, rien n’avait bougé, si ce n’est qu’au retour d’un bref séjour estival qu’elle avait passé avec son mari à la campagne, dans la ferme familiale dont s’occupait son frère, au Lancashire, elle lui avait annoncé, pâle et défaite, qu’elle était enceinte de Brandon. Nash enrageait. C’était un vrai coup dur auquel il ne s’attendait pas. Brandon, contrairement à lui, était parvenu à ses fins…
— Tu es sûre que ce n’est pas moi, l’auteur de cet enfant ? Nous avons couché ensemble la veille de ton départ…
— Nash, il ne faut pas rêver… Le père, c’est Brandon. Il m’a prise tous les soirs. Comme un animal en rut. Ne m’en demande pas plus… tellement ça me dégoûte !
La violence des propos de Barbara avait fait à Nash l’effet d’un coup de poignard en plein cœur.
Conscient que l’hypothèse d’un mariage s’éloignait, il avait essayé d’arrêter là leur liaison mais l’amour absolu et sans limites qu’il éprouvait pour la jeune femme l’en avait empêché. Celle-ci n’avait d’ailleurs pas manifesté le souhait de cesser de le voir, si bien qu’il s’était tant bien que mal raccroché à l’espoir qu’il réussirait, malgré cet enfant qui allait naître, à la faire divorcer.
— Tu ne trouves pas que ce bébé me ressemble ? avait-il lancé, histoire de dérider son amante que son accouchement avait déprimée un peu plus, lorsqu’il avait découvert la petite Laura dans son couffin, quelques jours après sa naissance.
Ils s’étaient retrouvés dans la chambre de bonne située au demi-sous-sol d’un immeuble cossu du quartier de Knightsbridge, louée par Brandon juste après l’accouchement de son épouse.
— Mon pauvre Nash… décidément tu ne changeras pas ! J’admire ta persévérance… avait soupiré Barbara, le regard vide, avant de s’enfermer dans un profond mutisme.
— Je t’aime ! Si tu acceptais de divorcer, j’élèverais cette enfant comme si c’était la mienne !
— Je ne suis pas ta
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