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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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bassin à nénuphars, il tira sa sœur vers le pin centenaire dont le jardinier était en train de bander de feutrine le bas du tronc.
    Lorsqu’il vit l’intérêt que l’enfant trisomique portait à son travail, le soigneur lui montra les ciseaux minuscules de barbier avec lesquels il coupait les aiguilles de l’arbre puis il fit mine de les ratiboiser.
    Joe poussa un léger grognement doublé d’un « ha   !   » des plus rugueux - c’était le signe par lequel, tel un animal repu, il marquait son contentement - puis il vint se blottir contre le tronc noueux avant de l’embrasser puis de le caresser comme on flatte l’encolure d’un chien ou celle d’un cheval. Le vieux pin était devenu son meilleur ami. La communion évidente entre l’enfant et l’arbre le plus vénérable du jardin finit par provoquer la stupeur de l’ombrageux surveillant qui, ayant cessé de houspiller ses ouvriers, s’approcha à son tour de Joe avant de demander à Wang :
    —  Est-ce que cet enfant gentil et qui a l’air d’un Han parle la langue chinoise   ?
    L’interprète traduisit ses propos à Laura, ce qui la fit sourire.
    —  Dis-lui que Joe est mon frère et qu’il est anglais   ! répondit- elle.
    —  C’est incroyable   ! J’aurais parié qu’il était chinois et né à Pékin… lâcha en riant l’inspecteur des jardiniers avant de revenir à sa place, le maître d’hôtel lui ayant fait les gros yeux, depuis la terrasse.
    Puis Laura, à laquelle Joe avait fait comprendre qu’il avait soif, décida de ramener au salon son petit frère, non sans l’avoir laissé embrasser le pin avec effusion.
     
    *
    *   *
     
    L’heure du discours de bienvenue étant arrivée, le consul Elliott fit battre le rappel par son pâlichon de secrétaire, puis se dirigea vers une petite estrade sur laquelle il se hissa péniblement. Aussitôt, les invités se rapprochèrent. La plupart des hommes avaient le pas mal assuré et le cerveau embrumé pour cause d’excès de « cocktail maison   ». Quant aux femmes, restées cantonnées au thé, elles étaient forcément plus allantes dans leurs robes élégantes et sous leurs vaporeuses capelines.
    Laura, à laquelle son frère, de plus en plus baveux, était toujours arrimé, les rejoignit comme si de rien n’était. La jeune fille avait l’habitude de traîner son frère après elle et celui-ci se laissait volontiers guider par sa sœur. On peut même dire qu’elle était la seule à pouvoir jouer ce rôle auprès de lui.
    Elliott, après avoir lissé ses énormes moustaches et rentré son ventre du mieux qu’il pouvait, se lança dans une tirade où il était question, sur fond de supériorité de la race blanche, de la chance qu’avait la Chine de pouvoir désormais compter sur son sol des gens de la qualité de son auditoire, capables de « lui faire du bien   » et de « montrer l’exemple à suivre à son peuple   », lequel était constitué d’« une majorité écrasante d’analphabètes et de pauvres hères   ». L’ancien capitaine des fusiliers marins devenu diplomate ne détestait pas jouer les philosophes, même si sa pensée relevait davantage de propos de café du commerce que de l’enseignement des universités d’Oxford ou de Cambridge.
    Barbara regardait son mari avec consternation. Elle bouillait intérieurement mais n’osait pas le montrer. Brandon écoutait le consul, sans paraître le moins du monde choqué par ses diatribes un tantinet racistes.
    Au bout d’un quart d’heure de digressions du même tonneau que les précédentes, Charles Everett Elliott conclut son discours d’une voix émue :
    —  Mes chers compatriotes, avant de vous souhaiter le meilleur séjour possible à Canton, j’ai un bien triste anniversaire à vous rappeler : aujourd’hui, il y a trois ans jour pour jour que l’Honorable William Jardine est décédé… Paix à l’âme de ce grand homme sans lequel nous ne serions pas ici   !
    L’assistance répondit par des applaudissements polis tandis que le consul adjoint invitait ses compatriotes à s’égailler vers les petites tables disposées sous la véranda où une collation devait leur être servie après le thé et le « cocktail maison   ».
    Le coudoiement des tables provoquant les rencontres, Brandon et Barbara Clearstone lièrent connaissance avec les deux couples à côté desquels ils étaient assis, l’un du genre prolixe et l’autre plus taciturne.
    À peine les présentations

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