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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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pied dans l’immense chambre située au premier étage de la résidence consulaire, où Rosy Elliott et son mari l’avaient conduit, tant y abondaient les meubles précieux et les objets d’art chinois ancien.
    Du sol au plafond, dans un invraisemblable capharnaüm, les Elliott avaient entassé quantité de vases et de tripodes de bronze décorés de masques de dragons, de rouleaux de peintures et de calligraphies, de boîtes oblongues ou carrées destinées à ranger les pièces précieuses en émail cloisonné, de chaises de cérémonie et de repos, d’élégantes tables de travail de lettré en bois de rose et en palissandre, de paravents précieux en laque du Sichuan, sans parler des lourdes armoires en ébène qui disparaissaient sous le foisonnement des sculptures dont elles étaient ornées, le tout dans le chatoiement multicolore de centaines de pièces de vaisselle en porcelaine où toutes les nuances de l’arc-en-ciel étaient représentées.
    Au milieu de ce joyeux bric-à-brac digne des plus grands antiquaires de la place, Niggles, qui ne s’y entendait pas beaucoup en art chinois mais ne voulait pas le laisser paraître, avisa une lampe à huile représentant une servante agenouillée qui tenait une coupe.
    —  Quelle rareté   ! fit-il après l’avoir saisie avec précaution.
    —  Elle est d’époque Han et dorée à la feuille ; les Han fondaient l’or des Scythes   ! Le vieux lettré qui me l’a vendue m’a certifié qu’elle était authentique, roucoula la grosse Anglaise.
    —  Comme cette bague… fit Jack Niggles en tendant sa main gauche à l’index orné d’une pierre de jade d’un vert lumineux montée sur un anneau d’or.
    —  À Londres, une pièce de ce genre peut trouver amateur pour cent livres, commenta la femme du consul Elliott.
    À l’énoncé du prix, le sang de Niggles ne fit qu’un tour. C’était une somme colossale, rapportée au salaire moyen des employés londoniens de Jardine & Matheson qui ne dépassait pas la vingtaine de livres par mois.
    —  Vous parlez de cette bague   ? plaisanta à moitié Niggles en désignant son doigt.
    Ce bijou avait une histoire. Une histoire qui n’était pas associée à de bons souvenirs. Il plissa les yeux et s’efforça de les chasser. Rosy l’y aida en précisant :
    —  Non   ! Même si votre pierre est très belle, et superbement montée, je parle de la lampe à huile…
    —  J’ignorais que les chinoiseries étaient devenues aussi chères   ! C’est fou ce que ça peut aller vite quand la Chine s’en mêle   ! s’exclama le marchand d’opium à nouveau dans la réalité présente.
    —  Depuis deux ans, on assiste à une inflation des prix des antiquités chinoises, Jack   ! La Chine est furieusement à la mode   ! Montrer à ses invités une belle vitrine de céladons ou un joli rouleau peint sous les Ming est devenu un must pour notre gentry   ! ajouta le consul en se frottant les mains.
    Jugeant que le moment était venu, son épouse se racla la gorge à plusieurs reprises avant de planter ses yeux dans ceux de Niggles, puis, en souriant, de lui dire :
    —  Voilà, Jack, nous souhaiterions expédier à Londres quelques caisses d’antiquités, et nous avons pensé que vous pourriez nous y aider… En tout bien tout honneur, sachant bien entendu qu’il faudrait que vous y trouviez votre compte   !
    —  Mais comment arrivez-vous à vous procurer de telles raretés   ? s’enquit Niggles en faisant celui qui n’avait pas entendu.
    —  Il faut le demander à Rosy… C’est elle qui s’en charge.
    Le ton d’Elliott témoignait d’une certaine gêne. Il faut préciser que le statut de diplomate de Sa Majesté Victoria d’Angleterre était juridiquement incompatible avec celui de commerçant en antiquités chinoises…
    —  Vous savez, ici, les gens vendent tout   ! Il suffit d’aller au marché aux puces et les raretés s’alignent sur les trottoirs… Il n’y a qu’à se baisser pour acheter des statues, des vases anciens ou encore de sublimes porcelaines bleu et blanc d’époque Ming… Ces Chinois n’ont vraiment pas la moindre idée de la valeur de leur patrimoine   ! Pour une fois qu’ils ne se montrent pas trop âpres au gain, il faut en profiter   ! lâcha, mi-offusquée, mi-ravie, l’intéressée.
    De nombreux chefs de famille qui s’adonnaient à la consommation d’opium en étaient réduits à vendre jusqu’à leurs biens les plus précieux pour aller à

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