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La guerre de l'opium

La guerre de l'opium

Titel: La guerre de l'opium Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jose Frèches
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la fumerie, ce qui faisait prospérer la corporation des brocanteurs et des revendeurs. Livres rares, peintures sur soie, bijoux d’or et d’argent, jades et bronzes archaïques précieusement conservés depuis des siècles pouvaient ainsi être mis en vente sur le seuil de leurs demeures par des femmes très dignes dont la détresse se lisait sur le visage. Conséquence de l’effet dévastateur de la boue noire sur les fondements mêmes de la société chinoise, on commençait à voir apparaître sur le marché de la revente des objets rituels confucéens jusque-là considérés comme inaliénables par les familles qui les possédaient. Ils étaient cédés à vil prix par des bourgeoises au visage recouvert d’emplâtres cérusés. Leurs pieds bandés, qui, en d’autres temps, eussent justifié qu’elles ne sortissent de chez elles qu’enfermées dans des palanquins hermétiques, ne les empêchaient pas de courir le client, allant parfois de porte en porte dans les beaux quartiers où habitaient les nouveaux riches.
    —  À Shanghai, je n’ai pas constaté le même phénomène… murmura, songeur, Jack Niggles, auquel cette visite dans la réserve des Elliott révélait l’existence d’un filon prometteur.
    Cela faisait des années que Jack Niggles, tout à son rêve de se lancer dans les affaires pour devenir à son tour un homme riche, réfléchissait à une activité qu’il aurait discrètement menée à titre personnel, sans toutefois abandonner ses fonctions chez Jardine & Matheson, tout au moins dans un premier temps.
    Rosy Elliott prit des airs de conspiratrice :
    —  Ici, à Canton, les quartiers habités par les familles bourgeoises sont sillonnés par les charrettes d’antiquaires. Nous avons désormais une dizaine de ces brocanteurs dans la manche. Lorsqu’ils tombent sur une pièce digne d’intérêt, ils viennent nous la proposer en priorité   ! Parfois, il leur arrive de nous céder leur marchandise au poids… pour quelques pièces de cuivre ou d’argent   ! Des broutilles en somme   !
    Elle désignait à Niggles l’amoncellement de pivoines et de fleurs de prunier qui ornaient une pile de bols et d’assiettes en porcelaine. Les mains qui avaient touché cette vaisselle et les bouches qui y avaient mangé ne devaient pas être d’origine plébéienne…
    Le marchand d’opium décida de relancer la question qu’il avait éludée.
    —  Que puis-je donc pour vous, Rosy   ? Vous me semblez déjà parfaitement organisée   !
    —  C’est tout simple, Jack, fit celle-ci.
    —  Oui, c’est vraiment tout simple… insista le consul.
    —  Voilà : vous serait-il possible de nous faire profiter d’un petit coin de cale dans l’un de vos navires   ? Les vaisseaux affrétés par Jardine & Matheson sont les seuls à être sûrs… Avec tous ces pirates qui l’infestent, la mer de Chine est devenue un véritable coupe-gorge   ! Sans compter les prix dissuasifs pratiqués par certains armateurs…
    —  Combien de caisses souhaiteriez-vous faire transporter   ?
    —  Une dizaine, pas plus. À titre de test. Nous nous chargerions des emballages, bien sûr… et ferions en sorte qu’ils passent totalement inaperçus au milieu des autres. J’en prends l’engagement   ! précisa Rosy.
    Niggles exultait. Acheter à vil prix des antiquités chinoises et les faire transporter, ni vu ni connu, quoi de plus facile   !, par les navires de la compagnie Jardine & Matheson où elles seraient noyées au milieu des autres cargaisons, puis les revendre à de riches antiquaires londoniens : l’idée n’était pas banale. Il ne restait plus qu’à se l’approprier et à la mettre en œuvre.
    —  A priori , cela ne devrait pas être infaisable. Après, bien sûr, tout est question de prix. Vous comprendrez qu’il m’est difficile de vous offrir gratuitement un tel service, sous peine de passer pour un voleur aux yeux de la firme Jardine & Matheson… fît-il en caressant d’un air détaché fort étudié le flanc ouvragé d’une statue de Guanyin en ivoire de près d’un mètre de haut.
    —  Bien entendu, toute peine méritant salaire, c’est à vous de me dire, Jack, ce que vous souhaitez en contrepartie   !
    —  Il faut y réfléchir.
    —  Pourquoi ne pas nous associer, Jack   ? Après tout, si vous courez des risques, il paraîtrait normal que vous en touchiez des bénéfices. Vous avez tout le temps pour y réfléchir   ! s’écria Rosy qui espérait en fait

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