La guerre de l'opium

était sur le pont où elle contemplait, nostalgique et pensive, le ciel parsemé d’étoiles.
    —  Vois-tu ces deux constellations, Jasmin Éthéré   ? lui avait dit Tang en désignant celles du Bouvier et de la Tisserande qui étaient bien plus visibles qu’à l’ordinaire.
    —  Oui.
    —  Sais-tu leur nom   ?
    Elle ne connaissait ni ces étoiles ni leur histoire.
    Alors, avec des mots simples, il lui avait raconté cette belle légende des temps jadis qui tend à prouver que l’amour est plus fort que tout :
    Un jeune homme orphelin maltraité par son frère et sa belle-sœur, qui ne veulent à aucun prix partager avec lui le buffle dont ils ont hérité, se voit conseiller par ce même buffle qui l’a pris en pitié de s’enfuir en l’emmenant avec lui. Le buffle suggère au Bouvier d’aller derrière la montagne jusqu’à un lac où il verra sept jeunes filles descendre du Ciel pour s’y baigner. Le buffle donne au Bouvier un bon conseil : à condition de voler les vêtements de l’une d’entre elles, celle-ci, cherchant à remonter au Ciel, lui sera reconnaissante de les lui rendre et finira par l’épouser. Le Bouvier suit les conseils du buffle, ce qui lui permet d’épouser la belle Tisserande des Nuages Colorés qui va lui donner deux enfants, un garçon et une fille. Avant de mourir, le buffle explique au Bouvier que le jour où il mettra sa peau sur ses épaules, le vœu qu’il formera sera exaucé. Mais la Reine Mère Céleste s’étant aperçue de la disparition de celle qu’on appelle aussi du nom de « Septième Fée   » vient l’arracher de force au monde des humains, malgré les pleurs de ses deux enfants, en profitant de l’absence du Bouvier parti cultiver son champ. Dès son retour, le Bouvier endosse la peau du buffle et fait le vœu de retrouver sa femme. Dès qu’elle aperçoit le Bouvier sur le point de rejoindre la Tisserande, la Reine Mère Céleste enlève une épingle de son chignon et tire un immense trait dans le Ciel : la Voie Lactée est née, qui sépare désormais les deux étoiles. Mais leur amour est tel que le Bouvier et la Tisserande ont le droit de se réunir une fois par an, le septième jour du septième mois lunaire, grâce à un pont subtil formé par des pies compatissantes et complices au-dessus de l’infranchissable Fleuve Céleste…
    Envoûtée par ce récit, Jasmin Éthéré, dans un état second, s’était laissé approcher.
    Il lui avait pris la taille et elle avait posé sa tête contre son épaule.
    —  Veux-tu accomplir la Grande Fusion avec moi, Jasmin Éthéré, comme le font ces deux étoiles le jour du Double Sept   ?
    —  Pourquoi pas… Je me sens prête   ! avait-elle murmuré dans un souffle alors que les grillons s’étaient mis à chanter autour du bateau-fleur.
    Tang, devinant que la voie était enfin ouverte, l’avait entraînée vers l’unique couche qu’ils partageaient chaque nuit en se tournant le dos et sans même se frôler. Elle s’était laissé faire docilement et il avait compris que la partie était gagnée.
    Ivre d’un désir qui faisait trembler ses mains et qu’il n’arrivait pas à maîtriser au moment où il avait commencé à la déshabiller, elle avait d’elle-même ôté sa tunique pour lui apparaître entièrement nue, comme sur la scène du Toi et Moi lorsqu’il l’avait découverte pour la première fois.
    Mais cette fois, c’était à lui seul qu’elle s’offrait… et en chair et en os   !
    Comme il l’avait subodoré, l’extraordinaire souplesse de Jasmin Éthéré, qui se jouait des contraintes affectant normalement le corps humain, lui permettait des postures inaccessibles aux courtisanes, fussent-elles les plus aguerries. Les configurations idéales étaient à sa portée.
    Il avait doucement étendu Jasmin Éthéré sur le lit du bateau-fleur pour la caresser. Son ventre lisse et plat avait commencé à onduler comme une vague, d’abord tout doucement, puis comme un raz de marée. Puis, sans plus attendre, Jasmin Éthéré, qui agissait d’instinct et sans la moindre gêne, avait pris la position du Serpent Désireux en enlaçant le cou de Tang avec ses jambes, si bien qu’il avait pu d’entrée de jeu et avant même d’avoir embrassé sa bouche poser ses lèvres sur sa Vallée des Roses. Fulgurants raccourcis ou sinueux chemins de traverse : avec Jasmin Éthéré, tout devenait possible et tout était délectable. Sans plus attendre, le noble Han avait goûté