La guerre de l'opium

aux premières gouttes de la Pure Essence de la jeune femme, en même temps que la pointe de sa langue caressait son Bouton de Rose. Une fois cette libation accomplie, les mains de la contorsionniste s’étaient emparées de sa Tige de Jade avant de la porter délicatement à sa bouche.
    Moment unique et délectable que celui où l’on découvre, émerveillé, que ce à quoi on a rêvé est encore plus beau dans la réalité   !
    Il l’avait pénétrée en douceur, comme on visite un beau jardin. Elle allait et venait, yeux mi-clos, poussant de petits râles qui s’étaient amplifiés. Elle y prenait goût. Elle inventait, ayant à nouveau mis ses jambes autour de son cou, offrant à son partenaire un accès inédit à toutes ses portes intimes.
    Voulant réserver son Inestimable Semence à la Vallée des Roses de sa nouvelle amante, Tang avait fait tous ses efforts pour éviter de s’épancher.
    La suite avait été à l’avenant, le corps élastique de son amante tantôt s’accrochant à celui de Tang, tantôt s’en écartant, se déployant et se tassant, vers la droite et la gauche, puis vers le haut et le bas - danse inouïe du serpent Nagâ devant le Bouddha lorsqu’il devint Éveillé   ! -, pour former des positions qui allaient de la grenouille radieuse à celle de la loutre qui s’enlace, en passant par la panthère droit devant et le cygne rebelle… Grâce à ses formidables dons de contorsionniste, elle était capable de lui offrir ce qu’il n’avait vu que dans les illustrations des manuels de l’Art de la Chambre à Coucher mais sans jamais avoir trouvé la femme susceptible de mettre ces figures en pratique.
    Et voilà que cette femme était devenue sienne   !
    Il avait réussi à se contrôler jusqu’à l’issue finale de leurs deux orgasmes qui avaient parfaitement coïncidé, témoignant de la fusion du Yin et du Yang.
    Tang avait enfin atteint son but.
    —  Jasmin Éthéré, le Grand Miracle est arrivé. Nos énergies se sont nourries l’une de l’autre… Ton Champ Fleuri a rejoint mon Champ de Cinabre ; le Pic de l’Agaric Pourpre a visité la Grotte du Tigre Blanc et il a traversé avec bonheur son Mystérieux Portail. Le plaisir est monté jusqu’au sommet de ma Pagode Intérieure. Je l’ai ressenti au plus profond de moi. Pourrais-tu, s’il te plaît, me dire à ton tour ce que tu as éprouvé   ?
    —  J’ai eu des sensations inconnues… Cela prenait la forme d’un plaisir immense, d’une vague bénéfique dans laquelle tout mon corps s’engloutissait… J’ai eu très envie de vous… Je n’ai pensé à rien, j’ai agi d’instinct… s’était bornée à murmurer la contorsionniste en baissant les yeux.
    Chez Jasmin Éthéré, après l’exaltation des sens, la pudeur refaisait surface.
    —  As-tu aimé   ?
    —  Oui   ! Je crois que je vous aime   !
    —  Dix mille ans de vie nous attendent   ! L’Immortalité est à notre portée. La Grande Fusion s’est accomplie entre nous.
    —  De quoi voulez-vous parler, au juste   ?
    C’est alors qu’il lui avait raconté une histoire qu’il n’avait jamais révélée à personne.
    Il était né d’une extraordinaire rencontre qui avait marqué sa vie de manière indélébile. Elle avait eu lieu sur le mont sacré de l’Emeishan dont son père l’avait envoyé accomplir l’ascension.
    Un de ces moments qu’on n’oublie pas; un événement après lequel on n’est plus tout à fait le même…
    À l’âge de dix-neuf ans, il menait à Nankin l’existence insouciante d’un enfant éduqué selon les canons confucéens conformes à son milieu d’origine. Pour lui, jusque-là, la vie s’était résumée à des rites qu’il fallait suivre à la lettre et au tir à l’arc où il fallait viser juste. Les professeurs qui avaient pris la suite de Prospérité Singulière, parti gouverner le Yunnan, s’appliquaient comme il se doit à faire de lui un « homme de bien   », une tête bien faite, capable d’assimiler les Trois Livres des Rites AE ; un être respectueux de l’ordre établi et adepte du principe de réciprocité selon lequel il ne faut pas infliger à autrui ce qu’on ne souhaiterait pas avoir à supporter soi-même. Les codes, même s’ils sont parfois de rudes carcans, rendent la vie commode à ceux qui les suivent sans se poser de question. Tous les confucéens en herbe devaient s’astreindre, par exemple, si leurs parents tombaient malades, à ne pas se peigner la