La Guerre Des Amoureuses
avec son commis
Jacques Le Bègue, qui avait accepté la veille de participer au voyage. Le trésorier
remettrait à Olivier les sommes que demandait Flaminio Scala à l’occasion de
cette visite.
Les deux amis se rendirent ensuite au cabaret
de la Croix de Fer, rue Saint-Denis.
Ce n’est que l’année suivante qu’Henri III
devait organiser la profession de marchand de vin en distinguant les bouchons, les
tavernes, les cabarets, les auberges et les hôtelleries. Pour l’instant, la
seule chose qu’on demandait à un cabaretier était d’être bon catholique et de
vendre un vin ni aigre ni coupé d’eau. Appréciant la fraîcheur de la salle, Olivier
et Nicolas s’installèrent à une table sans nappe où se trouvaient déjà quelques
marchands ambulants. La servante leur servit une épaisse soupe aux choux et aux
lardons, accompagnée de pain de Gonesse et d’un pot de vin clairet.
Ils s’entretinrent des préparatifs du voyage
qui durerait certainement deux ou trois mois et convinrent d’engager un valet
et d’acheter une charrette. Poulain expliqua qu’il voulait une charrette à deux
roues, plus facile à désembourber dans les ornières. Ils y attelleraient trois
chevaux les uns derrière les autres.
Olivier posa quelques questions sans grand
intérêt auxquelles son ami répondit évasivement. Sans qu’ils en soient
conscients, un diffus malaise s’installait entre eux, car ils ne parlaient que
des conditions du voyage, et non des raisons profondes pour lesquelles ils y
participaient.
Olivier préférait taire que si M. de Mornay
accompagnait le roi de Navarre et acceptait de le prendre à son service, il ne
rentrerait pas à Paris et laisserait sa maison à la garde de son commis, et
Nicolas ne dit pas qu’il avait rendu visite au marquis d’O et au grand prévôt, pas
plus qu’il avait reçu la visite de M. de Mayneville.
Confusément, tous deux se rendaient pourtant
compte que ces mensonges par omission pouvaient être fatals à leur amitié.
Le mardi 1er juillet,
alors que régnait une chaleur écrasante dans Paris, un messager apporta enfin à
Mme de Montpensier une lettre de son frère Mayenne. Elle le reçut
dans sa chambre d’apparat, entourée de ses dames de compagnie et de ses amies. Le
porteur de missive était un Gascon maigre et noueux nommé Foulques Cabasset, petit
homme brun comme un charbonnier avec une longue moustache tombante et des
cheveux drus. Avec son plastron de fer et sa barbute, il paraissait
particulièrement mal à l’aise au milieu de toutes ces femmes.
Dans sa lettre, Mayenne disait à sa sœur que
son messager était un très vaillant et très fidèle capitaine et qu’il le lui
laissait pour sa maison. Elle pourrait ainsi faire appel à lui si elle avait
une lettre à transmettre en Guyenne. Il racontait ensuite qu’il était toujours
à Bordeaux, mais que sa fièvre tierce semblait presque vaincue. Il se plaignait
ensuite du roi.
[Il] joue à faire le pis que l’on peut
contre nous, écrivait-il avec amertume. J’attends
les soldes de mes hommes depuis des semaines, alors que l’armée d’Épernon en Provence
est payée chaque mois. Toutes mes demandes sont négligées par la Cour.
Le reste de la lettre était chiffré et la
duchesse se retira dans son petit cabinet pour la décoder. Son frère lui avait
laissé un disque de fer pour traduire les messages qu’ils échangeaient. C’était
un travail lent et fastidieux ; chaque lettre du message ayant une
correspondance dans le disque à partir d’un décalage fixé par la date de la
missive. Elle y passa près d’une heure.
Dans cette partie du courrier, son frère
expliquait qu’il envisageait de construire un pont sur la Garonne afin de
prendre la ville de Castillon occupée par les protestants, et surtout il
abordait le projet d’assassinat du Béarnais.
Il y avait un homme au service de leur famille,
un homme que tout le monde croyait mort, qui était capable de mener à bien
cette tâche. Elle le trouverait au château d’Arcueil où il se cachait sous le
nom de M. Le Vert.
La duchesse relut plusieurs fois ce passage
tant il était inattendu. Elle connaissait ce château qui appartenait à leur
famille, mais elle le croyait abandonné depuis des années. Elle n’y était d’ailleurs
jamais allée. Quant à celui qui s’y cachait et que l’on croyait mort, qui cela
pouvait-il être ?
Dans les jours qui suivirent, ayant eu
confirmation que la cour de la reine mère
Weitere Kostenlose Bücher