La Guerre Des Amoureuses
Nicolas
vint chercher Olivier pour qu’il l’accompagne à l’hôtel de Cluny afin de
rencontrer les Gelosi. Avant de partir, il lui remit le contrat préparé par le
trésorier de la reine pour qu’il en prenne connaissance.
Depuis l’interdiction qui leur avait été
notifiée par le Châtelet, les Gelosi ne jouaient plus, mais ils avaient pu
garder la salle de Cluny pour répéter les spectacles qu’ils présenteraient à la
cour de la reine, à Blois et à Chenonceaux.
Lorsque Olivier et son ami entrèrent dans la
salle éclairée par de hautes fenêtres, celle-ci était occupée par un grand
décor de toile et de bois en forme de rocher couvert d’arbres. Deux joueurs de
flûte vêtus à l’antique se tenaient sur un char de bois couvert de trophées d’armes,
de livres et d’instruments de musique. L’équipage était traîné par un comédien
déguisé en serpent. Deux femmes revêtues de robe bleue semée d’étoiles d’or
jouaient du luth de part et d’autre du char.
Ils contemplaient cette étonnante scène quand,
du plafond, descendit un nuage de carton et de bois dans lequel se tenait une
Minerve armée qui leur déclama, en les apercevant :
Père, ici-bas, qui nage dans les flots,
De la nue argentée, où je te vois enclos,
Regarder les mortels !
Fais, père, qu’elle s’ouvre,
Et flamboyant d’éclairs, ton visage découvre !
Le tonnerre se mit à
gronder et un Jupiter barbu surgit de derrière la scène. Les apercevant, il ôta
son masque en faisant quelques pas dans leur direction.
— Messeigneurs ? demanda-t-il en les
saluant, tandis que la Minerve ôtait son casque, dévoilant un visage d’homme, et
que les deux femmes cessaient de jouer du luth.
— Je suis Nicolas Poulain, prévôt de la
cour de madame la Reine Mère, et je cherche M. Flaminio Scala.
— Qui pourrait évoquer Jupiter sinon l’illustrissime
Flaminio Scala des Gelosi ! répliqua le barbu dans un rire tonitruant tout
en soulevant d’une main sa fausse bedaine et en désignant, de l’autre, Minerve.
L’homme Minerve s’avança à son tour, le regard
interrogateur.
— Je suis Flaminio Scala, et voici mes associés :
Francesco et Isabella Andreini, dit-il en montrant Jupiter et une des femmes
qui jouaient du luth. Que nous vaut l’honneur de votre visite ?
— Monsieur Scala, je me nomme Olivier Hauteville
et je suis avocat à la Chambre des comptes. Durant le déplacement de la cour à
Chenonceaux, c’est moi qui m’occuperai des comptes de la prévôté de la reine. Je
suis venu vous porter le contrat qui vous liera à la Cour durant le voyage.
Olivier tendit un feuillet à Scala qui s’approcha
d’une des fenêtres pour le lire. L’ayant terminé, il le donna à Isabella avant
de dire :
— Ces clauses sont celles que Ludovic
avait négociées et me conviennent, sauf les termes du paiement. Il y est dit
que nous serons payés au retour de la cour à Paris, mais nous ne pouvons assurer
nos dépenses de logement et de subsistance, surtout si ce déplacement dure des
mois. Je veux donc recevoir chaque semaine un terme de cinquante écus qui
correspond à une avance sur la base de quatre sols par spectateur, et de trois
cents spectateurs dix jours par mois.
— Je vais en parler au trésorier des
menues affaires de la chambre, promit Olivier.
— La reine m’a déjà fait porter deux
cents écus pour les dépenses engagées à l’occasion de ce voyage, mais ils ont
été dépensés. Nous avons dû faire de nouveaux décors et il nous faudra des
chariots pour les transporter. J’ai préparé un mémoire que vous remettrez au
Trésorier.
Olivier le suivit jusque dans un petit cabinet
derrière la scène qui servait à Flavio de chambre pendant que Nicolas Poulain
faisait connaissance des autres membres de la troupe. Un seul était absent, un
acteur engagé récemment surnommé Il Magnifichino qui continuait à jouer
à l’hôtel de Bourgogne.
Olivier et Nicolas repartirent, séduits par la
courtoisie de la troupe de comédiens et, sans qu’ils se l’avouent, par la
beauté de la charmante Isabella Andreini.
Poulain conduisit ensuite son ami à l’hôtel de
la reine où il le présenta au trésorier. Olivier lui remit le mémoire du chef
des Gelosi et expliqua les conditions qu’il posait, conditions que le trésorier
accepta. Les deux hommes convinrent de se rencontrer durant la semaine suivante
pour qu’Olivier apprenne ce qu’il aurait à faire. Il viendrait
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