La Guerre Des Amoureuses
partirait à la fin du mois de juillet,
Catherine de Lorraine fit appeler Miraille et lui demanda où il en était dans
ses travaux d’envoûtement. Le vieil homme lui répondit qu’il avait terminé une
statuette de cire et qu’il attendait des objets personnels de la personne à
envoûter afin de préparer le philtre indispensable.
La duchesse lui annonça son prochain départ et
lui assura qu’elle lui fournirait ce dont il avait besoin à son retour. Après
la mort de Navarre, il lui serait facile de corrompre les domestiques du jeune
Hauteville pour obtenir d’eux une lettre de leur maître, se disait-elle.
Certaine désormais que la sorcellerie de
Miraille vaincrait l’indifférence du jeune homme, et donc la malédiction qui
pesait sur elle, elle ordonna que l’on prépare son équipage pour rejoindre la
cour à Chenonceaux. Elle ferait une première étape à Arcueil.
En plus de son coche,
le train de la duchesse comprenait une dizaine de chariots et de charrettes
escortés de trente gardes porteurs de casaque à la croix de Lorraine. Pour la
servir, Mme de Montpensier avait cinq gentilshommes, quelques dames
de compagnie, deux pages, son médecin, son chirurgien et son confesseur, ainsi
qu’une vingtaine de domestiques, femmes de chambre, cochers et cuisiniers.
À Arcueil, la suite s’installa dans des
maisons réquisitionnées et la duchesse, en croupe devant M. de Puyferrat
– son premier gentilhomme – et escortée seulement du capitaine Cabasset, se
rendit au château qui n’était qu’une grosse maison fortifiée entourée d’un
fossé avec deux tours d’angle en façade [54] . En s’approchant, Cabasset remarqua combien le bâtiment était ruiné. La
toiture en pointe de la tour était percée en plusieurs endroits et une large
fissure courait tout au long de la tour carrée.
Le pont-levis était baissé, mais une grille de
bois fermait le passage. Le gentilhomme appela et un valet d’armes s’avança, méfiant,
une pique à la main.
— Mme la duchesse de Montpensier
demande à entrer pour rencontrer M. Le Vert ! cria le gentilhomme.
Le valet d’armes ne connaissait pas la
duchesse, aussi alla-t-il chercher le concierge qui ne la connaissait pas plus.
Les deux hommes ne sachant que faire, la duchesse leur demanda d’aller prévenir
M. Le Vert.
Le valet se dirigea vers le corps de logis
principal. Il revint au bout d’un long moment avec deux individus qui restèrent
dans l’ombre de la porte d’entrée. Tout ce que l’on voyait d’eux était que l’un
portait une épée tandis que l’autre tenait deux pistolets ou arquebuses. Le
valet avait dû leur dire que les visiteurs n’étaient que trois, dont une femme,
et qu’il n’y avait aucun risque à les laisser entrer car, aidé du concierge, il
leva la herse avec une grande manivelle rouillée.
Les cavaliers pénétrèrent dans la petite cour.
M. de Puyferrat, dont le cheval
portait la duchesse, faisait approcher sa monture du corps de logis quand l’un
des deux hommes tapis dans l’ombre de la porte les interpella :
— Madame la duchesse, je suis Le Vert, dites
à vos gens de rester au milieu de la cour. Je tiens à vous rencontrer seule.
Mme de Montpensier adressa quelques
mots à M. de Puyferrat qui sauta aussitôt au sol pour l’aider à
descendre de cheval. Elle se rendit ensuite seule vers le mystérieux M. Le
Vert.
En s’approchant, elle ne découvrit de ses
traits qu’un front haut, un nez aquilin et des lèvres presque inexistantes. Tout
le reste était masqué par une épaisse barbe taillée en pointe et de larges
moustaches blanches. Tout juste jugea-t-elle qu’il devait avoir entre quarante
et soixante ans. Elle ne le connaissait pas, pas plus que son jeune compagnon, et
en fut dépitée.
— Madame, s’inclina Le Vert. Je ne reçois
guère de visite ici…
D’un geste, et comme pour s’excuser, il
désigna la grande salle du logis, entièrement vide.
— Puis-je vous parler en tête à tête ?
demanda la duchesse.
— Paul, laisse-nous ! ordonna Le
Vert à son compagnon.
Celui-ci se dirigea vers un escalier à vis au
bout de la salle et disparut.
— C’est mon frère, le duc de Mayenne, qui
m’envoie vers vous, monsieur Le Vert, mais j’ignore qui vous êtes.
— Moi, je vous connais, madame. Je vous
ai souvent vue à la Cour et chez monseigneur votre frère, le duc de Guise. Vous
deviez avoir vingt ans à cette époque.
— Je ne me souviens pas de
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