La Guerre Des Amoureuses
beaucoup de domestiques feraient le voyage à pied
ou à dos d’âne. Enfin, il y avait les cavaliers : gentilshommes, pages, laquais,
gardes suisses et gardes de la reine, sans compter les haquenées des amazones.
Au fur et à mesure de leur arrivée, Nicolas
Poulain et ses hommes les faisaient se ranger en respectant le protocole et en
tentant d’éviter les querelles entre la maison royale et celles des grandes
familles qui accompagneraient la reine. En ce jour de départ, il n’y aurait que
la maison de Nevers et celle de Montpensier, M. de Gondi étant parti
la veille avec une petite armée d’arquebusiers et de piquiers.
L’autorité du prévôt n’était pas toujours
respectée et il y eut des tentatives d’indiscipline. L’intendant de René de
Daillon, un conseiller d’État proche de Catherine de Médicis, refusa l’emplacement
où l’on faisait ranger les voitures de son maître, arguant qu’elles seraient
trop éloignées de celles de la reine. Poulain le fit saisir et le menaça de
verges s’il ne demandait pardon à genoux. Devant l’attroupement qui s’était
formé, il annonça qu’il ferait pendre quiconque n’obéirait pas à ses ordres, sachant
bien que si cette démonstration valait pour les domestiques, elle serait
inopérante pour les gentilshommes. Par chance, ou par crainte, il n’y eut plus
d’incident.
Suivant les conseils de M. Rapin et de M. de Bezon,
Nicolas Poulain avait fait partir en avant-coureurs les fourriers et les
maréchaux des logis pour qu’ils préparent l’étape du soir, réquisitionnent les
maisons et organisent les points de ralliement choisis en général près des
églises, pour être faciles à trouver.
La reine, ses dames d’honneur et ses gentilshommes
arriveraient au dernier moment. En les attendant, Nicolas et son lieutenant, Arnaud
Pontier, firent rassembler les centaines de serviteurs qui suivraient la cour. C’étaient
les valets de chambre, lingères, lavandières, médecins, barbiers, chirurgiens, musiciens,
sommeliers, panetiers et menuisiers, la plupart à pied. Il fallait pour chacun
tenir compte des préséances, en n’oubliant pas de réserver les meilleures
places aux prêtres et aux chapelains placés juste après les régiments de gardes
suisses.
Presque tout le monde était à sa place quand
arriva, venant du Louvre, un énorme chariot péniblement tiré par six mulets. C’était
le lit de Catherine de Médicis. Ce premier véhicule annonçait l’arrivée de la
reine. Effectivement, peu de temps après, apparut un immense coche à piliers
aux rideaux de velours d’Espagne brodé d’or, lui-même suivi d’un grand nombre
de litières et de cavaliers ainsi que d’une armée de laquais en livrée à trois
fleurs de lys, les armoiries des reines de France.
Nicolas Poulain s’avança vers le coche à
piliers. À l’intérieur, masquée et tout en noir, la reine était enfoncée dans
un immense fauteuil capitonné. À côté d’elle se tenaient une jeune fille au
visage disgracieux et, en face, une femme plantureuse d’âge mur.
Le lieutenant de Poulain, qui connaissait tout
le monde, lui expliqua que la jeune fille était Christine de Lorraine, la
petite-fille de la reine mère, et que l’autre femme était Mme de Sauves,
la maîtresse du duc de Guise.
Nicolas Poulain alla les saluer avec beaucoup
de respect malgré l’indifférence de Catherine de Médicis à son égard.
Deux splendides haquenées blanches montées en
amazone par de très jeunes filles escortaient le coche royal. Poulain allait
les faire s’éloigner quand son lieutenant lui murmura qu’il s’agissait des
favorites de la mère du roi, Marie de Surgères et Hélène de Bacqueville, que la
reine gardait toujours auprès d’elle.
Ce ne fut que le soir qu’il apprit que leurs
mères avaient été adulées par Ronsard, et que, comme elles, les deux jeunes
femmes rejetaient la compagnie des hommes.
Derrière le coche royal suivaient une dizaine
de carroches remplis de dames masquées entourées d’une nuée de jeunes
gentilshommes. C’était le fameux escadron volant. Nicolas passa de voiture en
voiture pour se présenter. C’est dans le dernier véhicule que se trouvaient les
nains de la reine, huit petits personnages habillés de vert ou de blanc, à l’air
maussade, qui lui firent des grimaces.
Au-delà suivaient les gentilshommes de la
chambre et toute l’administration de sa maison. Poulain échangea quelques mots
avec le
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