La Guerre Du Feu
courte que les fugitifs ? Ou bien était-ce une autre bande de la même race ? Ils étaient assez proches pour qu’on pût voir avec précision la petitesse de leur taille : le front du plus grand aurait à peine touché la poitrine de Naoh. Ils avaient la tête en bloc, le visage triangulaire, la couleur de la peau comme l’ocre rouge et, quoique grêles, par leurs mouvements et l’éclat des yeux, ils décelaient une race pleine de vie. À la vue des Oulhamr, ils poussèrent une clameur qui ressemblait au croassement des corbeaux, ils brandirent des épieux et des sagaies.
Le fils du Léopard les considérait avec stupeur. Sans le poil des joues, qui poussait en petites touffes, sans l’air de vieillesse de quelques-uns, sans leurs armes, et malgré la largeur des poitrines, il les eût pris pour des enfants.
Il n’imagina pas tout de suite qu’ils osassent risquer le combat. Et lorsque les Oulhamr élevèrent leurs massues et leurs harpons, lorsque la voix de Naoh, qui dominait la leur d’autant que le tonnerre du lion domine la voix des corneilles, retentit sur la plaine, ils s’effacèrent. Mais ils devaient être d’humeur batailleuse ; leurs cris reprirent tous ensemble, pleins de menace. Puis ils se dispersèrent en demi-cercle. Naoh sut qu’ils voulaient le cerner. Redoutant leur ruse plus que leur force, il donna le signal de la retraite. Les grands Nomades, dans le premier élan, distancèrent sans peine des poursuivants moins rapides encore que les Dévoreurs d’Hommes ; s’il ne se présentait pas d’obstacle, les fugitifs, malgré le fardeau des cages, ne devaient pas être atteints.
Mais Naoh se méfiait des pièges de l’homme et de la terre. Il ordonna à ses guerriers de continuer leur course, puis, déposant le Feu, il se mit à observer les ennemis. Dans leur ardeur, ils s’étaient dispersés. Trois ou quatre des plus agiles devançaient d’assez loin la troupe. Le fils du Léopard ne perdit pas de temps. Il avisa quelques pierres qu’il joignit à ses armes et courut de toute sa vitesse vers les Nains Rouges. Son mouvement les stupéfia ; ils craignirent un stratagème ; l’un d’eux, qui semblait le chef, poussa un cri aigu, ils s’arrêtèrent. Déjà, Naoh arrivait à portée de celui qu’il voulait atteindre ; il cria :
– Naoh, fils du Léopard, ne veut pas de mal aux hommes. Il ne frappera pas s’ils cessent la poursuite !
Tous écoutaient, avec des faces immobiles. Voyant que l’Oulhamr n’avançait plus, ils reprirent leur marche enveloppante. Alors Naoh, faisant tournoyer une pierre :
– Le fils du Léopard frappera les Nains Rouges !
Trois ou quatre sagaies partirent devant la menace du geste : leur portée était très inférieure à celle que le Nomade pouvait atteindre. Il lança la pierre ; elle blessa celui qu’il visait et le fit tomber. Tout de suite, il lança une deuxième pierre, qui manqua le but, puis une troisième, qui sonna sur la poitrine d’un guerrier. Alors il fit un signe dérisoire en montrant une quatrième pierre, puis il darda une sagaie, d’un air terrible.
Or les Nains Rouges comprenaient mieux les signes que les Oulhamr et les Dévoreurs d’Hommes, car ils se servaient moins bien du langage articulé. Ils surent que la sagaie serait plus dangereuse que les pierres ; les plus avancés se replièrent sur la masse ; et le fils du Léopard se retira à pas lents. Ils le suivaient à distance : chaque fois que l’un ou l’autre devançait ses compagnons, Naoh poussait un grondement et brandissait son arme. Ainsi, ils connurent qu’il y avait plus de péril à s’éparpiller qu’à rester ensemble, et Naoh, ayant atteint son but, reprit sa course.
Les Oulhamr s’enfuirent pendant la plus grande partie du jour. Quand ils s’arrêtèrent, depuis longtemps les Nains Rouges n’étaient plus en vue. Les nuages s’étaient rompus, le soleil coulait par une crevasse bleue, tout au fond des landes. La terre, d’abord pleine et dure, était redevenue mauvaise : elle cachait des fanges qui saisissaient les pieds et les attiraient vers l’abîme. De gros reptiles rampaient sur les promontoires ; des serpents d’eau au corps glauque et roux luisaient parmi les fleuves ; les grenouilles bondissaient avec un cri vaseux : des oiseaux disparaissaient, furtifs, sur de longues pattes ou tranchaient l’air d’un vol frémissant comme les feuilles du tremble.
Les guerriers mangèrent en hâte. Craignant les
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