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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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couture.
    « Avant de t’en aller, remets
du bois sur le feu », m’ordonna-t-elle.
    Les filles faisaient de la
dentelle sous la surveillance de Maertge et de Maria Thins. Dotée de patience
et de doigts agiles, Lisbeth s’en tirait très bien. Aleydis était encore trop
jeune pour ce travail délicat, Cornelia, elle, n’avait pas assez de patience.
Le chat se prélassait près de la cheminée, aux pieds de Cornelia qui, de temps
à autre, se penchait et agitait un bout de fil devant lui. Sans doute
espérait-elle que l’animal finirait par déchirer son ouvrage avec ses griffes.
    Après avoir alimenté le feu, je
contournai Johannes qui s’amusait avec une toupie sur le carrelage glacial de
la cuisine. Au moment où je sortais de la pièce, il la fit tourner si vite
qu’elle alla finir sa course dans l’âtre. Et le pauvre Johannes de pleurer
tandis que Cornelia riait et que Maertge, armée de pinces, essayait de retirer
la toupie des flammes.
    « Chut ! Vous allez
réveiller Catharina et Franciscus ! » dit Maria Thins.
    Ils ne l’entendirent pas.
    Je me glissai hors de la pièce,
soulagée d’échapper à ce vacarme, malgré le froid glacial qui m’attendait dans
l’atelier.
    La porte était fermée. Tandis
que je m’en approchais, je pressai mes lèvres l’une contre l’autre, lissai mes
sourcils, passai mes doigts le long de mes joues comme si je tâtais une pomme
pour voir si elle était mûre. Après avoir hésité un instant devant la lourde
porte de bois, je frappai doucement. Silence. Je savais pourtant qu’il était
là : il m’attendait.
    C’était le jour du nouvel an.
Il y avait presque un mois qu’il avait posé les premières touches de mon
portrait, rien de plus. Ni taches rouges pour indiquer les formes, ni
« fausses » couleurs, ni glacis, ni rehauts. La toile vierge était
d’un blanc jaunâtre. Je la voyais chaque matin en faisant le ménage.
    Je frappai plus fort.
    Il ouvrit la porte, l’air
contrarié, ses yeux évitant les miens.
    « Ne frappez pas, Griet.
Entrez juste sans faire de bruit. »
    Se tournant, il revint à son
chevalet, sur lequel la toile attendait ses couleurs.
    Je refermai doucement la porte,
assourdissant ainsi le bruit des enfants dans la grande salle, puis je me
dirigeai vers le milieu de la pièce. Maintenant que le grand moment était enfin
venu, je me sentais étrangement calme.
    « Vous m’avez demandée,
Monsieur ?
    — Oui. Mettez-vous là-bas. »
    Il désigna le coin où il avait
placé les autres femmes. La table qu’il utilisait pour le tableau du concert
était encore là, mais il avait retiré les instruments. Il me tendit une lettre.
    « Lisez »,
ordonna-t-il.
    Après avoir déplié la feuille
de papier, je me penchai dessus, tout inquiète qu’il puisse s’apercevoir que je
feignais seulement de déchiffrer cette écriture inconnue.
    En fait, la feuille était
blanche. Je levai la tête pour le lui dire mais m’arrêtai. Avec lui, mieux
valait souvent ne rien dire.
    Je me penchai à nouveau sur la
lettre.
    « Prenez plutôt ça »,
dit-il en me tendant un livre.
    Relié de cuir, celui-ci avait
le dos craquelé. Je l’ouvris au hasard, étudiai une page. Je ne reconnus aucun
des mots.
    Il me demanda de m’asseoir,
puis de me remettre debout, tenant le livre, les yeux tournés vers lui. Il
reprit le livre, le remplaça par un pichet blanc au couvercle d’étain et me dit
de faire semblant de verser un verre de vin. Il me pria ensuite de rester là à
regarder par la fenêtre. Tout cela sans jamais se défaire de son air perplexe,
comme s’il avait oublié la fin d’une histoire qu’on lui avait racontée.
    « Les vêtements, c’est ça
le problème », murmura-t-il.
    Je compris tout de suite. Il me
faisait prendre des poses de dame alors que j’étais habillée en servante. Je
pensai à la veste jaune, au corselet jaune et noir, et me demandai lequel des
deux il me demanderait de passer. Au lieu de me séduire, cette perspective me
mettait mal à l’aise, non seulement parce qu’il me serait impossible de cacher
à Catharina que je portais ses vêtements, mais accomplir des gestes aussi peu
familiers que tenir des livres, des lettres ou me servir un verre de vin,
m’embarrassait. Malgré toute mon envie de sentir la douce fourrure de la cape
autour de mon cou, ce n’était pas ma façon habituelle de me vêtir.
    « Monsieur, finis-je par
dire, vous devriez peut-être me demander de faire d’autres

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