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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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bougea pas.
    – Où sont mes aquarelles ?
    – Je les ai vendues, qu’est-ce que tu crois ! Alors grouille, c’est pas tout près, Meidling.
    Adolf resta inamovible.
    – Si vous les avez vendues, nous avons de l’argent, et si nous avons de l’argent nous pouvons nous offrir le tramway. Alors, combien ?
    Le regard de Hanisch se déroba.
    – Ça n’a pas été aussi facile que je le pensais, mais j’ai pu les vendre douze Kronen …
    Il allait ajouter chacune quand l’expression d’heureuse surprise d’Adolf l’en dissuada. Il préféra dire : les deux.
    Hanisch lui compta six Kronen et les posa sur la table. Adolf les considéra avec une évidente satisfaction. Après tout, c’était sa première vente. Il dit avec gravité :
    – Je connais des gens qui travaillent trois jours sur un chantier pour gagner autant.
    Les modalités de leur association s’établirent durant le trajet en tramway. Adolf peindrait, Hanisch vendrait : les bénéfices comme les frais seraient partagés en deux parts égales.
    Une fois couché, Adolf brassa toutes sortes de projets mirobolants. Il s’imagina plébiscité par un public d’amateurs avertis qui, peu à peu, l’imposeraient dans le monde des arts et le vengeraient de tous ces vieux birbes couverts de toiles d’araignées du jury de l’Académie… Pour la première fois depuis longtemps il songea à sa statue sur la Franz-Josefsplatz et il envisagea l’érection d’une deuxième, à Vienne cette fois, qui prendrait la place de celle de Schiller face au palais Hansen.
    ***
    L’estomac calé par l’épaisse soupe matinale et son morceau de pain, les membres, le dos et la poitrine protégés par trois épaisseurs d’ Arbeiterzeitungen , Adolf affronta sans appréhension le brutal passage de la tiédeur douillette de l’asile au froid glacial du trottoir.
    Ils retournèrent au buffet de la Westbahnhof, s’installèrent à la même table et commandèrent des Mehlspeisen , des tartines et du café au lait. La bouche pleine, ils se distribuèrent les tâches du jour : pendant que Hanisch vendrait deux autres aquarelles, Adolf choisirait son matériel. Rendez-vous ici à partir de 14 heures.
    – Le premier arrivé attend l’autre. Mais si c’est toi, commence à peindre tout de suite ! À propos, ce serait
mieux si tu peignais un format plus grand, on les vendrait plus cher.
    – Je ne peux pas peindre dans un café ! Il y a trop de bruit, et puis jamais le serveur ne me laissera déballer mes godets, mes pinceaux, mes toiles ! Soyez réaliste, j’ai besoin de travailler au calme… Pensez-vous qu’on me laisserait peindre dans l’asile pendant la journée ?
    – Non, le règlement est trop strict. J’en connais qui ont demandé et ça leur a toujours été refusé.
    Tout en parlant, Hanisch se curait les oreilles avec l’ongle démesuré de son auriculaire, essuyant le produit de ses fouilles sur la banquette.
    – Je ne peux pas peindre dehors, il fait trop froid. Je dois trouver un endroit avant d’acheter mon matériel.
    Reinhold Hanisch ferma le poing et le posa sur son front, signe imparable de réflexion intense.
    – Je vais y réfléchir.
    Ceci dit, il ouvrit le carton et choisit deux aquarelles : la Hofoper un soir de représentation, et la Hofburg au printemps.
    – Au fait, Herr Hanisch, à qui avez-vous vendu mes aquarelles, hier ?
    Adolf était curieux de connaître son public. D’instinct Hanisch se déroba.
    – C’est un secret professionnel. Tu comprends, si tu connais mes adresses, tu n’auras plus besoin de moi, mais bon, je peux te dire que c’est un décorateur…
    En réalité, il les avait vendues à un encadreur de la Liechtensteinstrasse qui les avait payées quinze Kronen pièce.
    – Et c’est à lui que vous allez vendre ces deux-là ? insista Adolf, plutôt flatté que l’amateur de sa peinture fût un artiste comme lui.
    Hanisch secoua la tête négativement.
    – Où comptez-vous aller ?
    – Je verrai.
    Il se leva, enfila son manteau dans un grand bruit de papier froissé et prit congé. Il était déjà loin quand Adolf réalisa qu’il était parti sans payer sa part des consommations.
    ***
    Adolf dessinait un projet gigantesque d’asile pour sans-abri sur un carnet à croquis neuf quand Hanisch entra dans le buffet, les mains vides mais l’air préoccupé.
    – J’ai été jusqu’au Prater et j’ai vendu les deux, mais j’ai eu des ennuis avec la police. Ils m’ont réclamé

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