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La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler

Titel: La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
Autoren: Michel Folco
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brocs d’eau, du sel, du poivre et même de la moutarde à volonté : les murs étaient revêtus jusqu’à mi-hauteur de carreaux vert pâle brillant de propreté.
    Tout en mâchant son morceau de bœuf avec entrain, Hanisch dit :
    – Pendant que tu seras au travail, j’irai tenter ma chance avec ce qui reste des dessins. On sait jamais… Au fait, t’es d’accord si j’ai une offre à trois Kronen la pièce ?
    Il comptait démarcher les fabricants de cadres qui avaient souvent besoin d’aquarelles pour mettre leurs cadres en valeur dans les vitrines.
    Adolf, lui, termina sa bouchée et s’essuya la bouche avant de répondre :
    – Certainement pas ! Six Kronen est le minimum, sinon je préfère les garder. Je les mettrai aux murs de ma chambre.
    Hanisch se détourna pour grimacer une grossièreté dans le vide.
    – On t’a jamais dit que t’étais pas facile à vivre ?
    – Je sais ce que je suis, donc je le suis.
    – Ben voyons.
    Le repas terminé, chacun partit de son côté.
    ***
    Quand Adolf entra dans la salle de lecture, il constata qu’une vingtaine de pensionnaires avaient eu la même idée que lui. Certains jouaient aux échecs, d’autres lisaient, d’autres encore, dans la partie réservée aux fumeurs, fumaient en bavardant à mi-voix. À l’extrémité d’une grande table, un chauve à lunettes rondes recopiait des adresses sur des enveloppes. À ses côtés, un blond aux joues rouges coloriait une enseigne publicitaire pour des cataplasmes. À l’autre bout de la table, un brun frisé au teint mat peignait des fleurs sur du carton au format carte postale. Adolf choisit une table libre près de la fenêtre et marqua sa place en posant sa mallette dessus, puis il alla examiner les étagères aux murs qui supportaient près de quatre cents livres. Comment scier une planche ? (cent vingt pages), La Méthode pour réussir ses vendanges sans avoir à se déchausser (deux cent vingt-deux pages), Apprendre la maçonnerie en huit ans (cent seize pages), Le Guide des convenances (cent quatre-vingt-quinze pages) et, à côté, son pendant Le Guide de la correspondance (cent quatre-vingt-quatorze pages)… Pas un livre de Karl ou d’Arthur, pas un livre sur Richard.
    Adolf retourna à sa place, ouvrit sa mallette et aligna ses pinceaux, ses godets, sa palette, son pincelier, et les cartes postales qui suppléaient à son incapacité à peindre en extérieur. Quand il levait la tête, il voyait par la fenêtre la cour intérieure et quelques arbres chétifs qui attendaient le printemps pour se refaire de la feuille. Il décida de commencer par une version qu’il connaissait par cœur de la Stephanskirche en été.
    ***
    Peindre à nouveau le réconcilia avec lui-même, un peu comme si chaque touche de couleur appliquée sur la toile restaurait son amour-propre cabossé, lui redonnant son éclat d’avant la Grande Déconfiture. Il recommença à faire des
projets. D’abord je m’achète un manteau et des chaussures, ensuite je peins, je peins et je peins. Quand j’ai économisé cent Kronen , je me représente en candidat libre, mais cette fois à l’Académie des beaux-arts de Munich et du même coup j’échappe au service militaire. Pas vu pas pris, ni vu ni connu, et vas-y que j’t’embrouille !
    À 18 heures, la sonnerie électrique annonçant l’ouverture du réfectoire retentit dans tout l’établissement. Adolf remballa son matériel, rinça ses godets et ses pinceaux puis partit à la recherche de son vendeur. Il le trouva dans la salle de récréation, côté fumeur, en train de lire d’un air concentré le Deutsches Volksblatt . Il lisait un article à la une qui sommait la Science de trouver un moyen de faire naître les Juifs avec une peau bleue pour que, à l’instar des nègres, on pût les identifier au premier coup d’œil.
    – Tu as vendu ?
    Hanisch leva le nez du journal et prit un air interrogateur.
    – On se connaît ?
    Quand il vit Adolf poser sa mallette et serrer les poings, il soupira en secouant la tête d’un air accablé.
    – Je plaisante, t’as donc pas un brin d’humour qui te reste ?
    – Parce que c’était drôle ?
    Le Sudète renonça.
    – J’en ai fourgué trois.
    Il sortit de sa poche neuf Kronen et les lui remit.
    – Lesquels ?
    – Le Pöstlingberg, le cimetière de Leonding et la Franz-Josefsplatz, celle où t’as pas mis les statues.
    Adolf recompta son argent.
    – Tu viens manger ?
    – Pas tout de suite,
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