La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
trompé !
Adolf déçut l’assistance en tournant les talons et en quittant le foyer. Il prit la direction du commissariat de Brigittenau et déposa une plainte contre le dénommé Reinhold Hanisch, alias Fritz Walter, pour vol et abus de confiance. Il conduisit ensuite les policiers chez le décorateur Figl, qui produisit son registre et confirma ses accusations.
À 17 h 30, Adolf et deux policiers en tenue firent une entrée remarquée dans la salle de jeu du Männerheim où Hanisch continuait sa partie de Schafkopf .
– C’est lui, dit sobrement Adolf en désignant son ex-associé.
***
Reconnu coupable, Reinhold Hanisch fut condamné à sept jours de prison durant lesquels il eut tout loisir de méditer sur sa part de responsabilité dans la série d’échecs qui, régulièrement, ponctuaient son existence.
Le jour de sa libération, il retourna au Männerheim. Le directeur refusa de l’héberger. Verdâtre, les mâchoires soudées, Hanisch parcourut l’établissement à la recherche de son ex-associé, jurant de lui boxer le nez jusqu’à ce qu’il saigne.
Adolf n’était pas là. Adolf était en compagnie de Josef Neumann dans la chapelle de la Burgkirche où, chaque semaine, les solistes de l’Opéra et les petits chanteurs de Vienne donnaient un concert gratuit.
Jurant lui aussi qu’il se vengerait, Hanisch quitta le Männerheim et commença sa longue marche à pied jusqu’à l’asile des sans-abri de Meidling.
***
Si Adolf avait tenu sa promesse de vengeance en moins d’une heure, Reinhold Hanisch attendit treize longues années avant d’assouvir la sienne… et il lui en coûta la vie.
29
« Vienne fut et resta pour moi l’école la plus dure, mais aussi la plus fructueuse de ma vie. Je suis arrivé dans cette ville à demi enfant, et quand je la quittai j’étais un homme taciturne et sérieux. »
Adolf Hitler, Mein Kampf
Vienne.
Männerheim.
La salle de lecture.
Son chevalet allemand dressé près de la fenêtre, Adolf copiait servilement une petite aquarelle, non signée, représentant un paysage d’été peint à la manière de Van Alt. Une heure et demie plus tard, sa copie achevée, il se rendit dans l’une des cuisinettes mises à la disposition des pensionnaires, il alluma l’un des réchauds à gaz et entreprit de vieillir son paysage d’été.
Josef Neumann lui avait montré comment passer sa toile près du feu afin que sous l’action d’un séchage trop rapide la peinture se craquelle, et prenne un bel aspect ancien. Il lui avait également montré comment allonger, ou raccourcir, les ombres afin que deux sujets identiques cessent de l’être : grâce à cette dernière astuce, Adolf avait augmenté sa
production d’un tiers. Une production qu’il était incapable d’écouler ; il était bien trop soupe au lait pour être un bon vendeur : le moindre refus le vexait à mort, la plus légère critique le faisait littéralement écumer. Les jours précédents, sa rupture avec l’indélicat Hanisch avaient réactivé ses craintes existentielles et son météorisme. À quoi bon peindre s’il ne pouvait plus en vivre ?
Une fois de plus, Josef était venu à son secours. Il lui avait présenté plusieurs marchands, qui tous avaient accepté ses peintures en dépôt-vente. L’un d’eux, Karl Pichler, un décorateur tenant boutique dans l’arrondissement de Hernals, avait poussé l’amabilité jusqu’à lui commander des copies de paysages façon Van Alt qu’il payait sept Kronen la copie.
Cette relative prospérité avait transformé Adolf. Il était l’une des personnalités en vue du foyer, la preuve étant que, chaque fois qu’il croisait le directeur, celui-ci le saluait en souriant.
Son caractère rigide s’était quelque peu desserré ; sans pour autant être enclin aux familiarités, il était devenu nettement plus affable, plus serviable, plus attentif à autrui. Évidemment, cela ne pouvait pas durer.
Par un beau matin de juillet, Josef Neumann annonça son départ pour Vöslau.
– Mon père se meurt.
– Tu reviens quand ?
– Dans un mois environ… Et avec ma part d’héritage je vais ouvrir la galerie d’art dont je t’ai parlé… je réserverai un mur rien que pour tes œuvres.
Le lendemain matin, Adolf accompagna son ami à la gare, l’aidant à porter ses bagages. Sur le quai, il lui offrit les plans de la galerie d’art qu’il avait fiévreusement conçue durant la nuit : haute de cent trente
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