La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
un sale paysan à peine dégrossi ! Oh, comme je regrette… comme je regrette !
Aloïs la menaça de son index dressé.
– Ajoutez un seul mot, un seul et…
Sa voix froide comme un ventre de reptile la fit se recroqueviller sous la couette.
Des coups légers retentirent contre la porte. Aloïs ouvrit. Klara était sur le seuil, en chemise de nuit, pieds nus, une chandelle à la main.
– J’ai entendu Frau Anna tousser. Je viens voir si elle a besoin de moi, mon oncle.
Il la rassura d’un sourire.
– C’est passé. Tu peux retourner te coucher. Merci, ma jolie.
Aloïs refermait le battant lorsque tout s’éclaircit dans son esprit fatigué : tonton Nepomuk ! Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?
***
De sa belle écriture penchée, Aloïs rédigea une demande de congé spécial pour raisons familiales. Sa requête acceptée, il partit pour Weitra.
Pareil aux deux fois précédentes, Nepomuk et son char à bœufs l’attendaient à sa descente de diligence. Ils se donnèrent l’accolade en se complimentant sur leur bonne mine respective. Durant le trajet jusqu’à la ferme ils bavardèrent de tout sauf du motif de sa visite. Nepomuk fit le récapitulatif des divers événements survenus au village (Mon gendre Baptist s’est payé une troisième vache) et Aloïs lui raconta comment il avait récemment découvert des diamants dissimulés dans les cigares d’un diplomate roumain.
À la ferme, pendant que Walburga leur servait de la bière, Aloïs offrit à son tonton un pot de propolis pour ses rhumatismes ainsi qu’un pot de miel de cinq cents grammes. Nepomuk reconnut à la transparence du miel vierge, du
miel de premier choix, celui-là même qui s’égouttait tout seul des gâteaux. Il trempa l’index dans le pot et goûta.
– Il est bon.
– Précisément, ce que j’ai à vous proposer concerne mes abeilles.
Nepomuk écouta sans l’interrompre, hochant parfois la tête d’un air approbateur. Quand son neveu eut terminé, il dit :
– Si je comprends bien, tu me proposes une association ?
– En quelque sorte. Avec ces six nouvelles ruches, je peux doubler ma production de vierge, et vous n’ignorez pas combien il se vend cette année.
Nepomuk termina sa bière puis s’essuya la bouche et les moustaches d’un revers de main.
– J’ai mieux à te proposer.
Les sourcils d’Aloïs prirent la forme d’accents circonflexes (^^).
– Deviens officiellement mon neveu et je te garantis un minimum de deux mille cinq cents florins à ma mort. Avec un dixième versable le jour de la légalisation, ce qui peut être fait demain ou, au plus tard, après-demain… si tu es d’accord bien sûr.
Aloïs eut peine à dissimuler sa surprise. L’offre était généreuse. Il se donna la nuit pour y déceler un piège.
Avant le dîner, pipe au bec, les idées en ébullition, il se promena jusqu’au pré des Pölzl, qu’il trouva fermé par un muret de pierres récupérées.
Il était venu pour emprunter cinquante florins, et voilà qu’on lui en donnait deux cent cinquante, avec la promesse d’en recevoir dix fois plus à la mort du vieux ; un vieux qui fêterait ses soixante-dix ans l’année prochaine. Avec deux cent cinquante florins, Aloïs pouvait s’acheter douze ruches et autant d’accessoires qu’il était nécessaire. Il pouvait même s’offrir la ruche à feuillets dont il rêvait depuis si longtemps. Une ruche qui se visitait comme les pages
d’un livre, permettant une observation précise de ce qui se passait à l’intérieur… Et avec deux mille cinq cents florins, il pourrait s’acheter une jolie ferme pour y accueillir son rucher.
Et tout cela au prix d’un simple changement de patronyme, d’un ou deux mensonges à un curé et de quelques signatures. Après tout, que lui importait de s’appeler Schicklgruber ou Hiedler, puisque aucun des deux n’était le bon !
Ce soir-là, ce furent les enfants de Josef et Walburga qui dormirent dans la buanderie, tandis qu’Aloïs s’installait dans leur grand lit du premier étage.
***
Le lendemain à l’aube, Aloïs Schicklgruber dans son uniforme neuf, Nepomuk Hiedler, son gendre Josef Rommeder et deux amis de ce dernier, Johann Breiteneder et Engelbert Paukh, vêtus de leurs meilleurs habits noirs, montaient dans l’omnibus pour Weitra.
Cinq heures plus tard ils arrivaient, moulus, à Döllersheim.
Le père Josef Zahnschrim se trouvait dans la sacristie. Il était occupé à repeindre,
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