La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
Hitler et de Klara Pölzl fut célébré le 7 janvier 1885. Étaient présents ce jour-là tonton Nepomuk, prévenu à temps cette fois, et les Pölzl, mal à l’aise dans leurs habits neufs. Aloïs était en grand uniforme d’officier des Douanes. Klara était enceinte de quatre mois.
La cérémonie fut réduite au minimum et le père Ignaz Probst mit un point d’honneur à ne jamais croiser le regard du marié.
N’ayant pas jugé utile de demander un congé spécial pour l’occasion, Aloïs se changea et reprit son service au pont-frontière, tandis que Klara rentrait à l’auberge s’atteler à la préparation du repas de midi.
***
Leur premier enfant naquit en début de matinée, le 17 mai 1885.
– Il s’appellera Gustav, décréta Aloïs en songeant au père Raedecker.
La mère aurait préféré Adolf, qu’elle jugeait plus distingué, mais elle ne fut pas consultée.
Fin décembre, Klara était derechef enceinte. Cette fois, naquit une fille qu’Aloïs prénomma Ida, pour des raisons qui lui étaient propres.
L’appartement se révélant trop étroit pour cette bruyante marmaille perpétuellement affamée, il loua trois grandes pièces lumineuses avec vue sur la Salzburger Vorstadt, au deuxième étage de la Gasthof zum Pommer.
Trois mois après la naissance d’Ida, Klara était enceinte.
– Encore ! Verdammt ! Tu es aussi fertile qu’une reine !
Aloïs faisait allusion à une abeille capable de pondre quotidiennement quelque deux mille cinq cents œufs.
***
Le troisième enfant vint au monde le 8 septembre 1887 et fut baptisé Otto, en hommage au prince de Bismarck pour qui Aloïs avait une admiration certaine.
Une colonie de bacilles diphtériques s’introduisit avec beaucoup de malice dans la gorge du nouveau-né qui suffoqua en moins de quatre jours. Klara surmontait
péniblement ce foudroyant coup du sort lorsque Gustav présenta des symptômes identiques et mourut en huit jours.
Deux mois après l’enterrement d’Otto, deux semaines après celui de Gustav, ce fut le tour d’Ida d’être étouffée par le croup.
Dieu lui faisait-il atrocement payer ses péchés passés, ou bien étaient-ce les ectoplasmes réunis d’Anna et de Fanni qui se vengeaient ?
Les regards appuyés du père Probst lors des trois enterrements lui confirmèrent l’origine divine de ces disparitions. Il suffisait de voir l’insolente bonne santé d’Aloïs junior et d’Angela, les enfants de Fanni, pour comprendre que Klara était personnellement visée.
Excédé de la voir pleurer chaque fois que son regard se portait sur les berceaux vides, Aloïs les entreposa dans les combles, les recouvrant avec la bâche qu’il utilisait pour protéger ses bagages lors de ses déplacements en diligence.
Bien qu’affecté par ces trois deuils successifs, il ne changea en rien ses habitudes. Son emploi du temps resta hermétiquement cloisonné entre le service de l’Empereur, sa famille, ses maîtresses, ses bavardages politiques avec Carl Wessely et ses ruches à rayons mobiles qui, désormais, lui rapportaient quelques florins.
7
« Cela me fait penser à mon père. Il m’arrivait de lui dire : “Mon père, pense donc…” Il me coupait aussitôt la parole : “Mon fils, je n’ai pas besoin de penser, je suis fonctionnaire.” »
Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix , nuit du 1 er au 2 janvier 1942.
12 août 1888.
Simbach am Inn.
– Vous avez lu ? s’indigna Aloïs en brandissant haut son exemplaire de La Mouche à miel , la revue linzoise de référence sur l’apiculture.
– Vous savez bien qu’ici nous la recevons plus tard.
– Nous ne pouvons pas laisser passer une pareille ignominie !
Tandis qu’Aloïs avalait une lichette de schnaps à la prune en guise d’apéritif, le prêtre prit connaissance de la lettre de lecteur publiée in extenso dans la prestigieuse revue. Il s’agissait d’un plaidoyer enflammé en faveur des Étouffeurs et de leur terrible méthode asphyxiante.
– Avez-vous remarqué, Herr Hitler, comment chaque année, à l’approche des grandes miellées d’automne, cette revue s’ingénie à relancer une polémique. Souvenez-vous,
l’an passé, il était question des mobilistes versus les fixistes…
Aloïs approuva en hochant du chef.
– Ça ne va pas se passer comme ça ! Je vais leur écrire une réponse carabinée. À ce propos, puis-je vous emprunter votre Sirand ? Je ne retrouve plus le mien.
Midi
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