La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
intérêt.
– Je verrai. Je vais y réfléchir.
Klara osa insister.
– J’ai pensé à ma sœur Johanna… Avec sa bosse elle ne trouvera jamais de mari et elle ne coûtera pas cher.
Aloïs appréciait modérément d’avoir une belle-sœur bossue. Bien sûr, il savait qu’il n’existait aucun lien de sang
entre lui et les Pölzl, mais les gens l’ignoraient, et les gens ne manqueraient pas de gloser sur les brassages génétiques sévissant dans le Waldviertel.
– Je t’ai dit que j’y réfléchirais. Maintenant, laisse-moi, je veux terminer ma lettre avant d’aller dormir.
Voulant chasser un moustique qui voletait, Aloïs eut un mouvement d’agacement, son coude heurta l’encrier qui se renversa. L’encre se répandit sur la table, puis sur le plancher, éclaboussant ses chaussures et le bas de son pantalon. Il explosa :
– Ach ! Scheisse ! Regarde ce que tu m’as fait faire !
***
Au troisième rang derrière le chef de la police et sa famille, l’air faussement recueilli, Aloïs attendait la fin de la cérémonie. La nef de la Stephanskirche était bondée et, pour combattre la chaleur, les femmes agitaient leur éventail, pareilles à des ouvrières ventilant de leurs ailes une ruche surchauffée.
À ses côtés, les yeux clos, Klara priait avec ferveur, implorant le Seigneur tout-puissant de lui pardonner. Je sais que j’ai péché, Seigneur, mais j’ai suffisamment expié en perdant mes trois petits… Tous les trois, Seigneur ! Pourquoi ne pas m’en avoir laissé un ? Seigneur, Seigneur, faites que j’en aie un autre !
La dernière fois qu’Aloïs avait accompli son devoir conjugal remontait à plusieurs mois. Pouvait-elle décemment réclamer un tel service à Dieu ? Était-Il indiqué pour exaucer ce genre de supplique ? N’était-il pas plus approprié de faire appel aux services d’une sage-femme versée dans la science des aphrodisiaques ?
La messe finie, l’église se vida. Klara rentra à l’auberge pour se changer et préparer le déjeuner d’Aloïs junior et d’Angela, tandis qu’Aloïs senior se rendait à l’hôtel de ville
pour la traditionnelle allocution du Bürgermeister . De nombreux toasts furent levés en direction du grand portrait de l’Empereur suspendu dans la salle.
Le pas incertain, Aloïs rentra chez lui pour passer son uniforme de service. La vue de Klara agenouillée, reins cambrés, frottant énergiquement les taches d’encre imprégnées dans le bois du plancher l’enflamma, tel un tison entrant en contact avec de l’amadou. Sans quitter des yeux le postérieur qui tressaillait sous la robe au rythme de la paille de fer, Aloïs se pencha et, d’un geste brusque, rabattit robe et jupon par-dessus la tête de Klara, la plongeant dans l’obscurité.
– S’il vous plaît, mon oncle, les enfants sont dans la maison, s’écria celle-ci, la voix assourdie sous les vêtements.
– Ne bouge pas, ordonna-t-il en immobilisant ses hanches un peu grasses et moites.
Il la pénétra sans ménagement, s’imaginant en soudard pillant une ferme piémontaise, en pirate investissant un galion aux cales remplies de négresses à peine nubiles, en chevalier teutonique caracolant sur le champ de bataille après la victoire.
– Heil dem Kaiser ! grogna-t-il, en concluant d’un ultime coup de reins qui ébranla sa partenaire de la racine des cheveux à la pointe des orteils.
Se réajustant, il constata avec irritation qu’il s’était râpé les genoux sur le plancher. L’air digne, il quitta la chambre sans rien ajouter.
– Merci, Seigneur ! Merci de m’avoir exaucée, fredonna la jeune femme en allant se placer les jambes en l’air sur le lit afin que le sperme atteignît les ovaires plus rapidement.
Dix minutes plus tard, elle reprenait le frottage des taches d’encre imprégnées dans les lattes.
***
Dès qu’elle se sut prise, Klara vécut dans la crainte de perdre cette nouvelle vie qui croissait en elle.
Elle tripla le nombre de ses prières, quadrupla son budget cierges, et remercia tous les jours le Seigneur tout-puissant.
– Si c’est un garçon, nous l’appellerons François-Joseph, si c’est une fille ce sera Paula, déclara laconiquement le père en descendant l’un des berceaux du grenier.
François-Joseph en l’honneur de l’Empereur, Paula en l’honneur de la nouvelle femme de chambre du relais Post.
***
Fin septembre, Aloïs reçut une lettre du notaire de Weitra annonçant le décès
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