La jeunesse mélancolique et très désabusée d'Adolf Hitler
et d’aller s’enfermer dans les cabinets, le seul endroit à posséder un verrou intérieur. Il se palpa longuement le bas-ventre sans trouver la trace d’un os, même petit… Il aurait souhaité le localiser afin d’en vérifier la longueur, le diamètre, la rigidité… Et
puis il y avait cette intrigante histoire de Juifs qu’il n’avait pas très bien comprise… Quel morceau leur coupait-on exactement ?
Ce qu’Adolf savait des Juifs datait de son séjour à Lambach, où, deux années durant, il avait suivi les cours de catéchisme du père Manfred Hitzmann, un ancien missionnaire bénédictin d’une grande érudition. D’emblée, le vieil homme leur avait désigné les Juifs comme le peuple déicide qui avait condamné à mort Notre Seigneur Jésus-Christ… Selon lui, la dispersion et les souffrances du peuple errant étaient autant de preuves de la Grande Colère de Dieu et de l’Exacte Vérité du Christianisme (Rendez-vous compte, mes chers enfants, leur sentiment de culpabilité est tel que, deux mille ans après les événements du Golgotha, il leur est encore interdit de mentionner le nom de Jésus de Nazareth, qu’ils désignent hypocritement par le terme de cet homme …). En revanche, le père Hitzmann n’avait jamais un mot sur le Juif d’aujourd’hui. C’était comme s’il n’y en avait plus, et quand Adolf avait demandé à son père ce qu’il en pensait, celui-ci lui avait répondu :
– Mon fils, combien de fois faut-il te répéter que je n’ai pas besoin de penser, je suis fonctionnaire.
Adolf s’était alors rabattu sur sa mère et sur Hannitante.
– Tout ce que je peux te dire, c’est qu’ils sont responsables à cent pour cent de la mort de Jésus.
– C’est tout ? Rien d’autre ?
Sa mère eut une moue indécise.
– À Lambach, à ma connaissance, il n’y en avait pas… mais il y en avait plusieurs à Passau, comme Herr Lanzmann, le pharmacien dans la Steinweg.
– Et aussi le fripier au bout de la Theresienstrasse, compléta Hannitante de sa voix cassée.
***
Si l’arrivée des hirondelles annonçait la fin de l’hiver, l’apparition du photographe dans la cour de l’école de Leonding signifiait la fin de l’année scolaire.
Les élèves empilèrent des bancs le long du mur et, l’une après l’autre, les classes défilèrent pour la traditionnelle photo. Quand vint le tour de sa classe, le professeur disposa ses quarante-sept élèves sur six rangs superposés, et se plaça au centre, lançant un virulent :
– Plus personne ne bouge !
Adolf, les bras croisés, s’était placé à l’exact sommet de la pyramide (plus haut était impossible), dépassant d’une bonne tête tous les autres. À l’instant où le photographe appuyait sur le déclencheur, il bougea pour redresser d’un geste désinvolte la mèche brune qui, depuis peu, barrait son front. Il fallut refaire la photo.
12
« La capitale de la Haute-Autriche avait alors un assez bon théâtre, où l’on jouait à peu près tout le répertoire. C’est là que je vis pour la première fois de ma vie Guillaume Tell et, quelques mois après, Lohengrin , mon premier opéra. Du premier coup je fus conquis. Mon enthousiasme juvénile pour le maître de Bayreuth ne connut pas de limites. »
Adolf Hitler, Mein Kampf
Leonding.
– Das ist gut ! déclara Aloïs après avoir épluché le carnet scolaire d’Adolf.
Comme à Fischlham et à Lambach, son fils était dans les trois premiers de la classe.
– Persiste ainsi et tu passeras ton Abitur les doigts dans le nez ! Ah, si j’avais pu passer le mien, c’est une retraite de haut fonctionnaire que je toucherais aujourd’hui… Persiste, mon fils, et tu réussiras, j’en ai la certitude.
Adolf haussa les épaules.
– Je préfère être un artiste peintre.
Aloïs eut un rire à tonalité sarcastique.
– Voilà qui est nouveau. C’est donc pour ça que je te vois gribouiller sans arrêt ?
Il désigna la liasse de feuilles dépassant des poches d’Adolf.
– N’oublie pas : Ars longa, vita brevis (L’art est long, la vie courte). Tu peux, dès maintenant, t’entraîner à manger des cailloux et à dormir à la belle étoile.
Adolf fut tenté de lui énumérer les avantages acquis grâce à ses gribouillages, mais le moment eût été mal choisi, de plus il n’était pas sûr de la réaction de son père découvrant leur inspiration. En effet, lorsque l’engouement suscité par sa première
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