La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
de manquer ou de croire que vous manquiez, car je pense encore que la faute en est dans une imagination trop vive qui s’exagère le danger, que vous manquiez, dis-je, de cette qualité qui est le partage de tout coq qui mérite une poignée de grain, de tout chien qui est digne d’une curée. Mais comment se fait-il qu’avec cette persuasion que vous êtes hors d’état de livrer ce combat, vous m’ayez proposé à l’instant même de partager votre rang avec Catherine ? Votre pouvoir dépend entièrement de ce combat et ce n’est pas ma fille qui peut vous aider à remporter la victoire.
– Vous vous trompez, vieillard. Si Catherine voulait répondre à l’amour ardent que j’ai conçu pour elle, cette certitude me conduirait en face des ennemis avec toute l’ardeur d’un cheval de bataille. Quelque accablant que soit le sentiment intime de ma faiblesse, l’intérêt que Catherine prendrait à moi m’armerait de force. Promettez-moi, oh ! promettez-moi qu’elle sera à moi si nous remportons la victoire, et Gow lui-même, Gow dont le cœur est du même métal que son enclume, ne se sera jamais battu avec tant de courage. Une passion est vaincue par une passion plus forte.
– C’est de la folie, Conachar. Le souvenir de votre intérêt, de votre honneur, de votre naissance ne peut-il vous donner autant de courage que la pensée d’une jeune fille ! Fi donc, fi !
– Vous ne me dites que ce que je me suis déjà dit moi-même, répondit Eachin en soupirant, mais tout cela est inutile. Ce n’est que lorsque le cerf timide est accouplé avec sa biche qu’il devient désespéré et dangereux. Est-ce l’effet de ma constitution, ou comme le diront nos caillachs des montagnes, celui du lait de la biche blanche ? est-ce la suite de mon éducation paisible et de la contrainte dans laquelle vous m’avez tenu ? ou comme vous le pensez, celle d’une imagination qui se peint le danger comme encore plus terrible qu’il ne l’est en réalité ? c’est ce que je ne saurais dire : mais je connais ma faiblesse, et je… oui, il faut le dire, elle est telle que je ne saurais la vaincre, et si vous pouviez consentir à mes désirs, à une condition, je n’hésiterais pas un instant : je renoncerais au rang auquel je suis élevé, et je me dévouerais à la vie la plus humble.
– Quoi ! vous vous feriez gantier, enfin, Conachar ? Voilà qui est plus fort que la légende de saint Crépin. Non, non, vous n’avez pas la main faite pour ce métier ; vous ne me gâterez plus de peaux de daims.
– Ne plaisantez pas, mon père ; je parle très sérieusement. Si je ne puis me livrer au travail, j’apporterai assez de richesses pour vivre sans cela. Ils me proclameront apostat au son des cors et des cornemuses ; j’y consens : Catherine ne m’en aimera que mieux pour avoir préféré le sentier de la paix au chemin ensanglanté. Le père Clément nous apprendra à avoir pitié du monde, et à lui pardonner quand il nous chargera de reproches qui ne nous feront aucune blessure. Je serai le plus heureux des hommes ; Catherine jouira de tout ce que pourra lui procurer une affection sans bornes, et elle n’aura pas à craindre les spectacles d’horreurs et les sons effrayans que lui aurait préparés le mariage mal assorti que vous projetiez. Et vous, père Glover, tranquillement assis au coin de votre cheminée, vous serez le mortel le plus satisfait et le plus respectable qu’ait jamais…
– Arrêtez, Eachin, arrêtez, je vous prie ; la branche de sapin qui vous éclaire, et avec laquelle ce discours doit se terminer, tire à sa fin, et je voudrais dire un mot à mon tour, car la franchise est ce qu’il y a de mieux en affaire Quelque chagrin, quelque désespoir que vous puissiez éprouver, je dois mettre un terme à ces visions en vous disant tout d’un coup que Catherine ne peut jamais être à vous. Un gant est un emblème de bonne foi, et par conséquent un homme de ma profession doit moins qu’aucun autre manquer à sa parole. La main de Catherine est promise, promise à un homme que vous pouvez haïr, mais que vous devez estimer : à Henry l’armurier. Ce mariage est sortable ; il est conforme à leurs désirs mutuels, et j’ai donné ma parole. Il vaut mieux être franc avec vous : soyez mécontent si bon vous semble ; je suis entièrement en votre, pouvoir, mais rien au monde ne me fera manquer à ma promesse.
Glover parlait d’un ton si décidé que parce
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