La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
muraille avaient un peu élargi cette fente, de sorte qu’elle laissait pénétrer dans l’intérieur un faible rayon de lumière, quoique ceux qui entraient avec des torches ne pussent l’apercevoir.
– C’est le silence de la mort ! dit Catherine après avoir écouté un instant avec attention. Juste ciel ! il n’existe plus !
– Il faut risquer quelque chose, dit Louise en passant légèrement les doigts sur les cordes de sa viole.
Un soupir fut la seule réponse qui sortit de la profondeur du cachot.
Catherine alors se hasarda à parler : – Je suis ici, milord, je suis ici ; je vous apporte de la nourriture.
– Ah ! Ramorny ! dit le prince, cette cruelle plaisanterie vient trop tard, je me meurs.
– Son esprit est égaré, pensa Catherine, et rien n’est moins étonnant : mais tant que la vie reste, l’espérance subsiste.
– C’est moi, milord, c’est Catherine Glover. Je vous apporte de la nourriture ; mais je ne sais comment vous la faire passer.
– Que le ciel vous bénisse ! Je croyais mes souffrances terminées ; mais je les sens renaître en moi en entendant parler de nourriture.
– Je vous en apporte, milord ; mais comment vous la faire passer ? L’ouverture est si étroite ! la muraille est si épaisse ! Ah ! j’en trouve un moyen. Oui ! vite, Louise, coupez-moi une branche de saule, la plus longue que vous pourrez trouver.
La chanteuse obéit sur-le-champ, et Catherine ayant fendu le gros bout de la branche, elle transmit au prince par ce moyen les gâteaux qu’elle avait apportés et qu’elle trempa dans le bouillon pour qu’ils pussent lui servir en même temps de nourriture et de boisson.
L’infortuné jeune homme mangea peu et avec beaucoup de difficulté ; mais il appela toutes les bénédictions du ciel sur la tête de celle qui lui apportait ce secours. – Je voulais faire de vous la victime de mes vices, lui dit-il, et c’est vous qui cherchez à me sauver la vie ! Mais retirez-vous ; craignez qu’on ne vous voie.
– Je vous rapporterai de la nourriture dès que j’en trouverai l’occasion, dit Catherine. Mais en ce moment Louise la tira par la manche et l’avertit de garder le silence et de se cacher.
Toutes deux se couchèrent derrière les ruines, et elles entendirent Ramorny et Dwining causer ensemble en se promenant dans le jardin.
– Il est plus fort que je ne le pensais, dit le premier à demi-voix. Combien de temps résista Dalvolsey quand le chevalier de Liddesdale le tint enfermé dans son château de l’Hermitage ?
– Quinze jours, répondit Dwining ; mais c’était un homme robuste, et il trouva quelques secours dans le grain qui tombait d’un grenier situé au-dessus de sa prison.
– Ne vaudrait-il pas mieux finir l’affaire par une voie plus prompte ? Douglas-le-Noir vient de ce côté. Il n’est pas dans le secret d’Albany ; il demandera à voir le prince : il faut donc que tout soit terminé avant qu’il arrive.
Ils s’éloignèrent en continuant cette affreuse conversation.
– Maintenant regagnons la cour, dit Catherine à sa compagne, quand elle vit qu’ils avaient quitté le jardin. J’avais formé un plan pour m’échapper moi-même, je le ferai servir à sauver le prince. La laitière arrive ordinairement au château vers l’heure des vêpres, et elle a coutume de laisser sa mante dans le passage quand elle va porter son lait à l’office. Prenez cette mante, couvrez-vous-en avec soin et présentez-vous hardiment à la porte. Le portier est presque toujours ivre à cette heure ; il vous prendra pour la laitière, et si vous montrez un peu de confiance, vous passerez la porte et le pont-levis sans qu’il songe à vous arrêter. Allons, courez cherchez Douglas ; c’est le secours le plus prompt, le seul secours que nous puissions espérer.
– Mais n’est-ce pas ce terrible seigneur qui m’a menacée d’une punition honteuse ?
– Croyez-moi, Louise, des êtres tels que vous et moi ne restent pas une heure dans la mémoire de Douglas, ni en bien, ni en mal. Dites-lui que son gendre, que le prince d’Écosse meurt dans le château de Falkland ; qu’il y meurt d’une mort lente amenée par la faim. Vous obtiendrez de lui non-seulement votre pardon, mais une récompense.
– Je me soucie peu de la récompense ; une bonne action porte sa récompense avec soi. Mais il me semble, qu’il est plus dangereux de rester ici que d’en partir. Que ce soit donc moi
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