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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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des maisons étaient vides et même celles qui étaient occupées portaient
encore les traces du sac. Des volets manquaient, des portes étaient fendues et
les boutiques étaient vides. Des gens de la campagne vendaient des haricots, des
pois et du fromage sur des charrettes et de jeunes garçons vendaient des
perches qu’ils avaient pêchées dans la rivière. Mais il y avait encore des
jours de disette. Et aussi des jours de nervosité, car les survivants
craignaient que les Anglais ne reviennent, et puis sur l’île régnait toujours
l’odeur nauséeuse des cadavres des deux rivières où les mouettes, les rats et
les chiens prospéraient.
    Eléonore détestait se promener dans la ville. Elle préférait
aller vers le sud, dans la campagne, où les libellules volaient au-dessus des
nénuphars dans les cours d’eau qui serpentaient entre des champs de seigle,
d’orge et de blé.
    — J’aime le temps de la moisson, dit-elle à Thomas.
Nous allons toujours dans les champs pour aider.
    Cette année, la moisson ne serait pas bonne, car il n’y
avait personne pour faucher. Les épis s’ouvraient et les pigeons venaient se
disputer les grains dans les champs abandonnés.
    — Il devrait y avoir une fête à la fin des moissons,
dit Eléonore d’un air mélancolique.
    — Nous aussi, nous faisions une fête, dit Thomas, et
nous suspendions des poupées de paille dans l’église.
    — Des poupées de paille ?
    Il lui confectionna une petite poupée avec de la paille.
    — Nous en suspendions treize au-dessus de l’autel, lui
dit-il. Une pour le Christ et une pour chaque apôtre.
    Il cueillit des bleuets qu’il lui offrit. Eléonore les mit
dans ses cheveux qui étaient blonds comme de l’or éclairé par le soleil.
    Ils s’entretenaient souvent. Un jour, Thomas lui reposa la
question au sujet de la lance et cette fois Eléonore lui répondit :
    — Je vous ai menti, parce qu’il l’a eue, mais elle a
été volée.
    — Qui l’a volée ?
    Elle se toucha le visage.
    — L’homme qui lui a pris son œil.
    — Un homme nommé Vexille ?
    — Je crois, mais ce n’était pas ici, c’était à Evecque,
là où est sa vraie maison. Il a eu la maison de Caen lorsqu’il s’est marié.
    — Parlez-moi des Vexille, insista-t-il.
    — Je ne sais rien d’eux, dit Eléonore.
    Il la crut. Ils étaient assis près d’un cours d’eau où
nageaient des cygnes. Un héron chassait des grenouilles dans les roseaux.
Quelques jours plus tôt, Thomas lui avait dit qu’il songeait à quitter Caen à
pied pour retrouver l’armée anglaise. Ce propos avait dû préoccuper Eléonore
car elle lui demanda d’un air sérieux :
    — Vous allez vraiment partir ?
    — Je ne sais pas.
    Il avait envie de rejoindre l’armée, car c’est à elle qu’il
appartenait, cependant il ne savait pas comment il allait pouvoir la trouver,
ni comment il allait pouvoir survivre dans un pays où les Anglais s’étaient
fait haïr. Mais il avait aussi envie de rester. Il voulait en savoir plus sur
les Vexille et seul messire Guillaume pouvait satisfaire sa curiosité. Et puis
il voulait être avec Eléonore. Il y avait en elle une gentillesse calme que
Jeannette n’avait jamais possédé, une gentillesse qui le poussait à traiter la
jeune fille avec tendresse, de peur de la briser. Il ne se lassait pas de
contempler son long visage, avec ses joues légèrement creuses, son nez fin et
ses grands yeux. Elle était gênée qu’il la regarde ainsi mais ne lui demandait
pas de cesser.
    — Messire Guillaume, lui confia-t-elle, m’a dit que je
ressemble à ma mère, mais je ne me souviens pas bien d’elle.
    Messire Guillaume revint à Caen accompagné d’une douzaine
d’hommes d’armes qu’il avait engagés à Alençon. Il les mènerait à la guerre,
disait-il, en même temps que la demi-douzaine de ses hommes qui avaient survécu
à la chute de la ville. Sa jambe lui faisait toujours mal, mais il pouvait
marcher sans béquilles et, le jour de son retour, il ordonna à Thomas de
l’accompagner à l’église Saint-Jean sans plus d’explication. Eléonore, qui
travaillait dans la cuisine, les rejoignit au moment où ils quittaient la
maison. Messire Guillaume ne lui interdit pas de les suivre.
    Les gens s’inclinaient sur le passage du gentilhomme et
beaucoup lui demandaient de les rassurer sur le départ des Anglais.
    — Ils font marche vers Paris, répondait-il. Notre roi
va les prendre au piège et les

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