La lance de Saint Georges
long déplacement autour de Wadicourt
et les archers auraient tout le temps de se redéployer pour faire face à des
Français qui auraient perdu leur alignement dans ce long détour. Cela
signifiait que seul un assaut frontal pouvait permettre une victoire rapide. Il
faudrait donc affronter les flèches.
— Rentrez la tête, tenez haut les boucliers et restez
groupés, dit-il à ses hommes avant d’abaisser la visière de son heaume.
Puis, se souvenant qu’il n’allait pas charger avant un moment,
il la releva. Ses hommes d’armes rapprochèrent leurs chevaux pour être genou
contre genou. Pendant la charge, disait-on, le vent ne devait pas pouvoir
passer entre les lances.
— Ça ne va pas être tout de suite, les prévint messire
Guillaume.
Les arbalétriers en fuite remontaient la colline des
Français. Le seigneur d’Evecque les avait regardés avancer en priant
silencieusement pour que Dieu protège les Génois. Tuez quelques-uns de ces
archers, avait-il demandé, mais épargnez Thomas. Les tambours avaient commencé
à marteler leurs gros instruments, maniant leurs baguettes comme s’ils
pouvaient défaire les Anglais par la seule force de leurs roulements. Saisi par
l’enthousiasme de ce moment, messire Guillaume avait mis à terre la butée de sa
lance et s’en était aidé pour se dresser sur ses étriers de manière à voir
par-dessus la tête des hommes qui étaient devant lui. Il avait vu les Génois
lâcher leurs carreaux, et ceux-ci envahir le ciel comme une grêle. Puis les
Anglais avaient lancé leurs flèches qui formaient une tache sombre sur l’herbe
verte et le ciel gris. Il avait remarqué que les arbalétriers chancelaient. Les
Anglais, au lieu de tomber, s’étaient avancés en continuant à tirer. Au même
instant, des deux flancs de la ligne anglaise s’était élevée une fumée d’un
blanc sale et les bombardes avaient ajouté leurs projectiles à la pluie de
flèches qui s’abattait sur la pente. Lorsque le bruit des bombardes avait roulé
dans la vallée, son cheval avait sursauté. Messire Guillaume s’était remis sur
sa selle et avait fait claquer sa langue. Il ne pouvait flatter le cou de sa
bête car il tenait la lance de la main droite et sa main gauche était engagée
dans son écu portant les trois faucons d’or sur champ d’azur.
Les Génois s’étaient débandés. Tout d’abord, messire
Guillaume n’avait pu y croire. Il pensait que c’était peut-être une ruse de
leur capitaine pour attirer les Anglais dans une poursuite désordonnée. En bas
de la pente, les arbalétriers allaient se reformer et faire face. Mais les
Anglais n’avaient pas bougé et les Génois avaient continué à fuir. Abandonnant
de nombreux morts et mourants, pris de panique, ils remontaient en courant vers
les cavaliers français. Un grondement de colère s’éleva dans les rangs des
hommes d’armes français.
— Les lâches ! s’exclama quelqu’un près de messire
Guillaume.
Le comte d’Alençon fut pris d’un accès de rage à l’état pur.
— Ils ont été payés ! dit-il à l’un de ses
compagnons. Ils se sont laissés acheter !
— Taillez-les en pièces ! dit le roi depuis la
lisière du bois de hêtres.
Son frère, qui l’entendit, ne souhaitait rien tant qu’obéir.
Le comte se trouvait en deuxième ligne mais il fit avancer son cheval dans une
ouverture entre deux des conrois de tête et cria à ses hommes de le suivre.
— Abattez-les ! ordonna-t-il, abattez-les !
Les Génois étaient entre les cavaliers et les lignes
anglaises. Leur destin était scellé car sur toute la longueur de la colline les
Français avançaient. Des hommes excités du second corps d’armée se mélangeaient
aux conrois de la première ligne pour former une masse confuse de bannières, de
lances et de chevaux. Ils auraient dû descendre la colline au pas afin d’être
en bon ordre en arrivant au pied de l’autre colline, mais au lieu de cela ils
éperonnèrent leurs montures et, poussés par la haine qu’ils vouaient à leurs
propres alliés, se livrèrent à une course à la tuerie.
— Nous restons ici ! cria Guy Vexille, comte
d’Astarac, à ses hommes.
— Attendez ! ordonna messire Guillaume aux siens.
Mieux valait laisser cette première charge désordonnée
s’épuiser toute seule, plutôt que de se joindre à cette folie, se disait-il.
Environ la moitié des cavaliers français demeurèrent à leur
place sur la colline. Les autres, conduits
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