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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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mauvaises pointes traverseraient
la housse capitonnée et s’enfonceraient profondément dans le poitrail de
l’animal. Il prit une quatrième flèche. Il pouvait voir les mottes de terre
soulevées par les chevaux de tête. Il remarqua un homme qui ne portait pas de
surcot. Sa cuirasse brillait. Il lâcha la corde et juste à ce moment l’homme
tomba en avant car son cheval avait été atteint par une autre flèche. Tout au long
de la pente, on voyait des chevaux qui hennissaient en agitant leurs sabots et
des hommes qui tombaient. Une lance tourna comme une roue sur la pente, un cri
s’éleva au-dessus du bruit des sabots, un cheval heurta un animal mourant et se
cassa la jambe. Les cavaliers pressaient leurs genoux contre leurs chevaux pour
leur faire éviter les obstacles. Une cinquième flèche partit, une sixième. Pour
les hommes d’armes qui se tenaient derrière les archers, il semblait que
s’élevait dans le ciel un fleuve continu de flèches. Il montait sur un fond de
nuages noirs et plongeait vers un bouillonnement d’hommes d’armes.
    Beaucoup de chevaux étaient tombés. Leurs cavaliers
restaient prisonniers des hautes selles et se faisaient piétiner. Pourtant,
d’autres cavaliers arrivaient, trouvant des passages entre les entassements de
morts et de mourants. « Montjoie saint Denis ! Montjoie saint
Denis ! » Les chevaux étaient éperonnés jusqu’au sang. Pour Thomas,
cette pente était un cauchemar de chevaux aux dents jaunes et aux yeux blancs,
de longues lances, d’écus piqués de flèches, de boue qui voltigeait, de
bannières flottant au vent, de heaumes gris avec des fentes pour les yeux et
des museaux pour le nez. Les bannières flottaient derrière une flamme rouge
longue comme un ruban. Thomas tira encore et encore, déversant ses flèches sur
toute cette folie. Malgré cela, chaque cheval qui tombait était remplacé par un
autre et une autre bête venait encore derrière. Les flèches dépassaient des
housses, des chevaux, des hommes, des lances même, et on voyait leurs plumes
blanches à mesure que la charge approchait dans un bruit de tonnerre.
    Puis les Français de tête arrivèrent sur les trous. Un
étalon se brisa la jambe dans un craquement et le hennissement de l’animal
s’éleva au-dessus du son des tambours et des trompettes, du cliquetis des
cottes de mailles et du martèlement des sabots. Certains chevaliers
traversèrent les trous sans encombre mais d’autres tombèrent, faisant trébucher
les chevaux qui venaient derrière eux. Les Français tentèrent de ralentir leurs
chevaux et de les détourner, mais la charge était lancée et ceux qui venaient
derrière poussaient ceux qui étaient devant vers les trous et les flèches.
L’arc de Thomas vibra dans sa main et sa flèche se logea dans la gorge d’un cavalier
en fendant la cotte de mailles comme du tissu et en repoussant l’homme en
arrière, si bien que sa lance s’éleva vers le ciel.
    — En arrière ! criait Will Skeat. En
arrière ! En arrière ! Tout de suite ! Allez-y !
    La charge était trop près, bien trop près.
    Les archers se replièrent en courant derrière les hommes
d’armes, et les Français, les voyant disparaître, lancèrent une grande
acclamation : « Montjoie saint Denis ! »
    — Boucliers ! cria le comte de Northampton.
    Les hommes d’armes anglais ajustèrent leurs écus et levèrent
leurs lances qui formèrent comme une haie.
    — Saint Georges ! cria le comte.
    — « Montjoie saint Denis ! »
    Un bon nombre de cavaliers avaient échappé aux flèches et
aux trous et d’autres hommes d’armes montaient la pente pour enfin charger
droit sur l’ennemi.

 
13
    On disait que si une prune était jetée vers un conroi elle
devait se planter sur une lance. C’est dire à quel point les cavaliers étaient
rapprochés lors de leur charge. Leur sécurité en dépendait car lorsqu’un conroi
se trouvait dispersé chaque cavalier finissait par être entouré d’ennemis. Mais
la première charge française avait été un galop désordonné. Les hommes
s’étaient dispersés en massacrant les Génois et la dispersion s’accrut
lorsqu’ils escaladèrent la colline pour se rapprocher des ennemis.
    En principe, la charge ne devait pas être une cavalcade
échevelée, mais un terrible assaut ordonné, discipliné. Les cavaliers, placés
en ligne genou contre genou, auraient dû partir lentement et rester en
formation serrée jusqu’à l’ultime instant

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