La lance de Saint Georges
par le frère du roi, se ruèrent sur
les Génois. Les arbalétriers tentèrent de s’échapper en courant le long de la
vallée pour en sortir soit par le nord, soit par le sud, mais la masse des
cavaliers les enveloppa. Il n’y avait pas d’issue. Certains Génois se
recroquevillèrent, d’autres s’accroupirent dans de petits fossés, mais le plus
grand nombre fut tué ou blessé, écrasé par les chevaux. Les destriers étaient
de grandes bêtes pourvues de sabots puissants comme des marteaux. Ils étaient
entraînés à renverser des hommes.
Piétinés ou taillés, les Génois poussaient des cris. Quelques
cavaliers se servirent de leurs lances pour traverser leurs victimes de part en
part. Ensuite, ces lances étaient abandonnées sur l’entassement de cadavres et
les cavaliers devaient tirer leurs épées. Pendant un moment, ce ne fut qu’un
chaos de cavaliers et d’arbalétriers. Puis on ne vit plus que les restes épars
des mercenaires génois. Leurs jaquettes rouge et vert étaient imprégnées de
sang et leurs armes brisées gisaient dans la boue.
Les cavaliers, ayant engrangé cette facile victoire, se
donnèrent une ovation à eux-mêmes. « Montjoie saint Denis ! »
crièrent-ils. Des centaines de bannières furent portées en avant par les
cavaliers qui menaçaient de dépasser l’oriflamme, mais les chevaliers aux
rubans rouges qui gardaient le drapeau sacré s’élancèrent en tête de la charge
et commencèrent à remonter la pente vers les Anglais en criant des défis. La
vallée était remplie de cavaliers en train de charger. Les lances qui restaient
furent abaissées et les éperons entrèrent en action. Mais les hommes les plus
raisonnables, ceux qui avaient attendu que soit passé le premier assaut,
remarquèrent que cette grande charge ne produisait pas le tonnerre de sabots
habituel.
— Ça s’est transformé en bourbier, dit messire
Guillaume comme pour lui-même.
Les housses et les surcots étaient couverts de la boue
soulevée par les sabots sur ce sol amolli par la pluie. Pendant un moment la
charge parut hésiter, puis les cavaliers de tête quittèrent le fond humide de
la vallée pour trouver un sol plus ferme sur la pente de la colline des
Anglais. Après tout, Dieu était avec eux et ils poussaient leur cri de
guerre : « Montjoie saint Denis ! » Les tambours battaient
plus rapidement que jamais et les trompettes lançaient vers le ciel leur son
aigu.
— Les imbéciles, dit Guy Vexille.
— Pauvres âmes, dit messire Guillaume.
— Que se passe-t-il ? demanda le roi qui ne
comprenait pas pourquoi l’ordre de bataille soigneusement établi par lui avait
volé en éclats avant même que le véritable combat ait commencé.
Mais personne ne lui répondit. Chacun observait ce qui se
passait.
— Jésus, Marie, Joseph, dit le père Hobbe qui avait
l’impression que la moitié des cavaliers de la chrétienté escaladait la
colline.
— Restez dans les lignes ! cria Will Skeat.
— Que Dieu soit avec vous ! dit le comte de
Northampton avant de retourner vers ses hommes d’armes.
— Visez les chevaux ! ordonna John Armstrong à ses
archers.
— Ils ont écrasé leurs propres arbalétriers ! dit
Jake stupéfait.
— Et nous, nous allons les tuer, dit Thomas d’un ton
vindicatif.
La charge s’approchait de la ligne des Génois qui avaient
été tués par les flèches. Pour Thomas, qui regardait le bas de la colline,
l’attaque ressemblait à un tourbillon de tissus colorés, d’écus brillants, de
lances peintes et de bannières flottant au vent. Comme les chevaux avaient
quitté la terre molle, chaque archer pouvait entendre le martèlement des sabots
qui faisait plus de bruit que les tambours de l’ennemi. Le sol tremblait.
Thomas pouvait en sentir la vibration à travers les semelles des bottes que lui
avait données messire Guillaume. Il chercha les trois faucons mais ne les vit
pas, puis il oublia messire Guillaume. Sa jambe gauche se plaça en avant et sa
main droite tira la corde vers l’arrière. L’empenne de la flèche était près de
sa bouche. Il l’embrassa, puis fixa un homme qui portait un bouclier noir et
jaune.
— Tirez ! cria Skeat.
Les flèches s’élevèrent dans un sifflement. Thomas en mit
une deuxième à sa corde, tendit l’arc et tira. Il en envoya une troisième,
cette fois vers un homme dont le heaume était orné de rubans rouges. À chaque
fois il visait le cheval en espérant que les
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