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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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le
sauf-conduit signé par le duc, tout en sachant qu’il n’avait nul besoin de
sauf-conduit. Il lui suffisait de marcher vers l’est et vers le nord et
d’espérer que la robe de dominicain le protégerait. Il ne savait pas très bien
comment rejoindre la Flandre, mais croyait que Paris n’était pas loin de cette
région. Aussi pensait-il commencer par suivre la Seine, qui le conduirait de
Rennes à Paris. Son plus grand souci, c’était qu’il pourrait rencontrer
d’authentiques dominicains sur la route, qui découvriraient que Thomas n’avait
qu’une notion très vague des règles monastiques et aucune connaissance de leur
hiérarchie. Mais il se consolait en se disant que les dominicains écossais
étaient si loin de la civilisation qu’une pareille ignorance de leur part ne
surprendrait pas. Il allait survivre, se disait-il.
    Il regarda la pluie crépiter dans les flaques. « Tu
n’as rien à attendre de Jeannette », se dit-il et pour se prouver qu’il
croyait en cette triste prophétie il se mit à préparer son maigre bagage. Cela
lui déplaisait d’abandonner la cotte de mailles, mais elle pesait trop lourd,
alors il la rangea dans le chariot puis plaça trois gerbes de flèches dans un
sac. Les soixante-douze flèches pesaient lourd, leurs pointes menaçaient de
transpercer le sac, mais il ne voulait pas voyager sans ces gerbes assemblés
par des cordes d’arc en chanvre. Il en utilisa une pour attacher son couteau à
sa jambe. Ainsi, comme ses économies, il était dissimulé par la robe noire.
    Il était prêt à partir, mais à présent la pluie martelait la
ville comme un déluge de flèches. Le tonnerre grondait du côté de l’ouest, la
pluie se déversait sur les toits de chaume, tombait des toits en faisant
déborder les tonneaux et emportait le fumier de la cour. Midi arriva, annoncé
par le son étouffé des cloches de la ville qui était toujours inondée. Des
nuages noirs poussés par le vent couronnaient les tours de la cathédrale.
Thomas se dit qu’il partirait dès que la pluie diminuerait mais la tempête ne
fit que se renforcer. Il y avait des éclairs au-dessus de la cathédrale et un
coup de tonnerre claqua dans la ville. Thomas se mit à frissonner, intimidé par
la fureur du ciel. Il regarda les éclairs qui se reflétaient dans le grand
vitrail ouest de la cathédrale, fasciné par ce spectacle. Il y avait tant de
verre ! La pluie ne cessait pas. Il commença à craindre d’être bloqué dans
le chariot jusqu’au lendemain. Et c’est alors, juste après qu’un violent coup
de tonnerre eut paru assommer la ville, qu’il aperçut Jeannette.
    Tout d’abord, il ne la reconnut pas. Il vit seulement une
femme qui se tenait sous l’entrée voûtée de la cour, avec de l’eau qui se
déversait autour de ses chaussures.
    Tout le monde à Rennes s’était blotti dans un abri, mais
voilà que cette femme apparaissait soudain, trempée et pitoyable. Ses cheveux,
qui avaient été ramenés avec tant de soin sur ses oreilles, pendaient à présent
sur la robe de velours rouge imprégnée d’eau. Ce fut cette robe que Thomas
reconnut, puis il vit la douleur sur son visage. Il descendit du chariot.
    — Jeannette !
    Elle pleurait, la bouche déformée par le chagrin. Elle
paraissait incapable de parler et restait immobile à pleurer.
    — Madame ! lui dit Thomas. Jeannette !
    — Il faut partir, parvint-elle à articuler. Il faut
partir.
    Le fard qu’elle avait mis la veille coulait sur ses joues en
traînées grises.
    — Nous ne pouvons pas partir avec cette pluie, dit
Thomas.
    — Nous devons partir ! hurla-t-elle avec colère.
Nous devons partir !
    — Je vais chercher le cheval.
    — Nous n’avons pas le temps !
    Elle agrippa la robe de Thomas.
    — Nous devons partir. Tout de suite !
    Elle essaya de le tirer dans la rue mais il se dégagea et
courut au chariot où il prit l’arc dissimulé et son sac lourd. Il prit aussi un
manteau de Jeannette qui se trouvait là et le mit autour des épaules de la
jeune femme. Elle ne parut même pas s’en apercevoir.
    — Que se passe-t-il ? demanda Thomas.
    — Ils vont me trouver ici, ils vont me trouver !
déclara Jeannette prise de panique en le tirant hors du porche de la taverne.
    Thomas lui fit prendre la direction de l’est par une rue
sinueuse qui conduisait à un pont sur la Vilaine et de là à l’une des portes de
la ville. Les immenses battants étaient fermés mais une petite porte

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