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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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était
ouverte dans l’un des battants et la garde de la tour ne se sentit pas
concernée par un fou de moine détrempé qui emmenait hors de la ville une folle
en pleurs. Jeannette ne cessait de regarder derrière elle par crainte d’être
poursuivie, mais cela n’expliquait toujours pas à Thomas sa panique et ses
larmes. Elle se précipitait en direction de l’est, insensible à la pluie, au
vent et au tonnerre.
    À l’approche du crépuscule, la tempête diminua. À ce moment,
ils s’approchaient d’un village qui possédait une sorte d’estaminet. Thomas
courba la tête en franchissant la porte et demanda l’hospitalité. Il mit des
pièces sur une table.
    — Il me faut un abri pour ma sœur, dit-il en sachant
bien qu’un moine voyageant avec une femme ne pouvait qu’éveiller les soupçons.
    — Un abri, un repas et un feu, ajouta-t-il en posant
une pièce supplémentaire.
    — Votre sœur ?
    Le tavernier, un petit homme au visage grêlé et parsemé de
loupes, regarda Jeannette qui s’était accroupie sous le porche.
    Thomas se toucha la tête d’un air entendu.
    — Je l’emmène au sanctuaire de saint Guinefort,
expliqua-t-il.
    Le tavernier regarda les pièces, jeta encore un coup d’œil à
Jeannette et décida que cet étrange couple pouvait utiliser une étable vide.
    — Vous pouvez y faire du feu, dit-il à contre-cœur,
mais ne brûlez pas la paille.
    Thomas alluma un feu avec des braises de la cuisine, puis il
alla chercher de la nourriture et de la bière. Il obligea Jeannette à manger un
peu de soupe et de pain, puis la conduisit près du feu. Il lui fallut la
cajoler plus de deux heures avant qu’elle accepte de lui raconter ce qui
s’était passé. Et le récit fit à nouveau couler ses larmes. Thomas écoutait,
consterné.
    — Comment vous êtes-vous enfuie ? lui demanda-t-il
quand elle eut fini.
    Une femme avait ouvert pour venir prendre un balai. Elle
avait été surprise de trouver Jeannette à cet endroit, et encore plus surprise
de la voir passer devant elle et se sauver. Jeannette avait craint que les
soldats ne l’arrêtent, mais aucun n’avait fait attention à elle et elle avait
pu s’enfuir. Comme Thomas, elle était une fugitive, mais elle avait bien plus
perdu que lui. Elle avait perdu son fils, son honneur et son avenir.
    — Je hais les hommes, dit-elle.
    Elle tremblait car le misérable feu de paille humide et de
bois pourri avait à peine séché ses vêtements.
    — Je hais les hommes, répéta-t-elle avant de regarder
Thomas et de lui demander : qu’allons-nous faire ?
    — Il faut que vous dormiez, lui dit-il, et demain nous
irons vers le nord.
    Elle acquiesça, mais il pensa qu’elle n’avait pas dû
comprendre ses paroles. Elle était en plein désespoir. La roue de la fortune,
qui l’avait auparavant élevée si haut, la plaçait maintenant au plus bas.
    Elle dormit un moment, mais quand Thomas se réveilla dans
l’aube grise, il s’aperçut qu’elle sanglotait doucement et il ne sut ni que
dire ni que faire. Alors il resta étendu sur la paille jusqu’à ce qu’il entende
grincer la porte de la taverne. À ce moment il se leva pour aller chercher de
l’eau et de la nourriture. Pendant que la femme du tavernier coupait du pain et
du fromage, le mari demanda à Thomas s’il allait loin.
    — Le sanctuaire de saint Guinefort se trouve en
Flandre, lui dit Thomas.
    — En Flandre ! dit l’homme comme si c’était la
face cachée de la lune.
    — La famille ne sait que faire d’autre pour elle,
expliqua Thomas, et j’ignore comment on va en Flandre. Je pensais passer par
Paris d’abord.
    — Non, pas Paris, dit la femme d’un air méprisant. Vous
devez aller à Fougères.
    Son père, lui dit-elle, avait souvent fait commerce avec les
pays du Nord et elle était sûre que le chemin de Thomas passait par Fougères et
Rouen. Elle ne savait pas quelle route il fallait prendre après Rouen mais
était certaine qu’il lui fallait aller jusque-là. Pour commencer, il devait
prendre une petite route qui partait vers le nord. Elle traversait les bois,
ajouta son mari, et il devait être prudent car cet endroit abritait de
terribles individus fuyant la justice, mais, après quelques lieues, il
rejoindrait la grande route de Fougères où les hommes du duc effectuaient des
patrouilles.
    Thomas les remercia, bénit la maison et apporta de la
nourriture à Jeannette qui refusa de manger. Elle semblait au bout de ses
larmes, presque de

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