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La lance de Saint Georges

La lance de Saint Georges

Titel: La lance de Saint Georges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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mal à l’aise que son silence.
    — Sa Grâce aimerait voir cette armure, annonça le
prêtre bien que le duc n’ait manifesté aucun désir.
    Le prêtre claqua des doigts et l’un des clercs sortit. Le
second clerc, armé d’une petite paire de ciseaux, fit le tour de la grande
pièce pour raccourcir les mèches des nombreuses chandelles dans leur hauts
bougeoirs en cuivre. Le duc et le prêtre ne firent aucune attention à lui.
    — Vous dites, reprit le prêtre, que vous avez écrit à
sa Grâce. À quel sujet ?
    — J’ai écrit au sujet des défenses de La Roche-Derrien,
mon père, et j’ai averti Sa Grâce de l’attaque anglaise sur Lannion.
    — C’est ce que vous prétendez, répondit le prêtre, c’est
ce que vous prétendez.
    Charles pleurait toujours. Jeannette lui serra la main dans
l’espoir de le calmer, mais il ne fit que gémir plus fort. Le clerc, sans
regarder le duc, allait de chandelle en chandelle. Les ciseaux claquaient
doucement, un peu de fumée s’élevait puis la flamme devenait plus brillante et
se stabilisait. Charles se mit à pleurer plus fort.
    — Sa Grâce, dit le prêtre, n’aime pas les enfants qui
pleurnichent.
    — Il a faim, mon père, expliqua Jeannette.
    — Vous êtes venue avec deux serviteurs ?
    — Oui, mon père.
    — Ils peuvent nourrir l’enfant à la cuisine, dit le
prêtre.
    Il claqua des doigts à l’intention du clerc aux ciseaux,
lequel, abandonnant son instrument, prit par la main le petit Charles effrayé.
L’enfant ne voulait pas quitter sa mère mais il fut emmené de force. Jeannette,
troublée, entendit ses cris s’éloigner dans l’escalier.
    À part le mouvement de ses doigts, le duc n’avait pas bougé.
Il se contentait d’observer Jeannette avec une expression indéchiffrable.
    Le prêtre reprit son interrogatoire :
    — Vous affirmez que les Anglais ne vous ont rien
laissé ?
    — Ils ont volé tout ce que j’avais !
    Le prêtre sentit la passion dans sa voix.
    — S’ils vous ont laissée sans ressources, madame,
pourquoi n’être pas venue plus tôt demander notre aide ?
    — Je ne voulais pas être un fardeau, mon père.
    — Mais maintenant vous voulez être un fardeau ?
    Jeannette fronça les sourcils.
    — J’ai amené à Sa Grâce son neveu, seigneur de
Plabennec. Auriez-vous préféré qu’il grandisse parmi les Anglais ?
    — Ne soyez pas impertinente, mon enfant, dit
placidement le prêtre.
    Le premier clerc refit son apparition dans la pièce en
portant le sac qu’il vida sur la peau de cerf devant la table du duc. Celui-ci
considéra un instant l’armure puis se cala au fond de son fauteuil sculpté.
    — Elle est très belle, déclara le prêtre.
    — Elle est très précieuse, acquiesça Jeannette.
    Le duc regarda à nouveau l’armure sans que bouge un seul
muscle sur son visage.
    — Sa Grâce approuve, dit le prêtre.
    Puis il fit un signe de sa longue main blanche, et le clerc,
qui paraissait comprendre ce qu’on voulait sans qu’il fût besoin de mots,
rassembla l’épée et l’armure et les emporta hors de la pièce.
    — Je suis heureuse que Sa Grâce approuve, dit Jeannette
en faisant une nouvelle révérence.
    Elle comprenait vaguement que le duc, malgré ce qu’elle
avait dit précédemment, considérait l’armure et l’épée comme un don, mais ne
voulut pas approfondir ce point. Il pouvait être éclairci plus tard. Un courant
d’air froid entra par les meurtrières, introduisant des gouttes de pluie et
faisant vaciller les chandelles.
    — Qu’attendez-vous de nous ? demanda le prêtre.
    — Mon fils a besoin de protection, mon père. Il lui
faut une maison, un lieu où grandir et apprendre à devenir un guerrier.
    — Sa Grâce est heureuse de satisfaire à cette demande,
dit le prêtre.
    Jeannette ressentit un grand soulagement. L’atmosphère de la
pièce était tellement inamicale qu’elle avait craint, à son arrivée, d’être
jetée dehors comme une mendiante, mais les paroles du prêtre, bien que
formulées avec froideur, lui indiquaient qu’elle avait eu tort de s’inquiéter.
Le duc prenait ses responsabilités. Pour la troisième fois, elle lui fit une
révérence.
    — J’en suis très reconnaissante, Votre Grâce.
    Le prêtre allait répondre mais, à la grande surprise de
Jeannette, le duc leva une longue main blanche et le prêtre s’inclina.
    — C’est notre bon plaisir, dit le duc d’une voix
étrangement haut perchée, car votre

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