La lanterne des morts
au sud-ouest de Niort distante d’une vingtaine de kilomètres et au nord-est de la petite ville de Mauzésur-le-Mignon.
Vingt kilomètres le séparaient encore de l’orée de l’immense forêt.
Il décida de partir vers minuit, espérant arriver à l’aube.
– Citoyen général, je suis fort aise de te voir et désolé de ce retard.
L'homme, vingt-cinq ans et belle prestance, regardait Valencey d’Adana dans les yeux. Celui-ci lui lança:
– Présente-toi et dis-moi les raisons de ton retard.
– Baron de Saint-Eulay. Blacfort et son armée t’avaient laissé au nord, derrière eux, je suis surpris de te trouver au sud, et devant.
– Nous nous déplaçons très rapidement!… répondit Valencey d’Adana en souriant au jeune homme en tenue d’officier vendéen, écharpe et cocarde blanche.
– J’ai déserté à l’heure convenue, mais il faut compter avec cette erreur sur votre position et ce colonel d’un régiment de ligne qui voulait me faire fusiller sans m’entendre.
– Je constate cependant avec satisfaction qu’il n’en fut rien. Blacfort te soupçonne-t-il?
– Impossible, je suis infiltré chez eux depuis le début. Ils penseront que je me suis noyé dans les marais, ce sont des choses qui arrivent, et pas seulement aux Bleus… pardon, aux nôtres.
L'aube s’était levée. Le jeune officier s’assit sur une roue de chariot et ôta une de ses bottes. Il en tira une feuille de papier pliée en disant:
– Je tenais dans l’armée Blacfort l’état des effectifs, c’est assez commode… Les chiffres ne sont pas bons, citoyen général: ils ont encore reçu des renforts.
– Je t’écoute.
– Vendéens: deux mille huit cents; chouans de Bretagne: cinq cents; cavaliers: cent; Anglais: cinquante; émigrés: cent vingt. Ils sont plus de trois mille cinq cents. Et vingt-huit canons. Le risque d’erreur est minime, une vingtaine en raison de la traversée des marais, un officier de l’ancien Berry-infanterie s’est enlisé devant moi. Mais les guides connaissent bien leur affaire et je pense qu’ils perdront moins de dix hommes.
Quoique fort désagréablement surpris, Valencey d’Adana n’en laissa rien paraître:
– Explique-moi ces chiffres… étonnants!… ordonna Mahé.
– Citoyen colonel, à part la dernière arrivée d’un fort groupe, il n’est pas de village voire de hameau, depuis le début de la marche, où un, deux, parfois quatre hommes ne rejoignent l’armée Blacfort. À l’entrée d’un bois, vingt-cinq nous attendaient: les princes royaux ont dû insister. Pour les chouans…
– Cela, nous le savons!… coupa le général.
– Quelques cavaliers aussi ont rejoint. Les cinquante Anglais sont des fous furieux, tous militaires, tous volontaires, tous sachant qu’ils seront désavoués par leur hypocrite gouvernement en cas de capture. Ils ont débarqué voici quinze jours au sud de Châtelaillon avec les cent vingt émigrés tout aussi fanatiques. Ils arrivaient par une corvette anglaise appelée The Iron Bell , elle-même protégée par la frégate Grey Swallow . Ils ont aussitôt marché, avec un bon guide, sur un axe nord-est.
– Qui sont ces émigrés que tu dis fanatiques?
– Anciens officiers, survivants de la garde du corps des Tuileries, «chevaliers du poignard»: ce qu’on fait de pire en ce genre.
– Va te reposer. Avant une heure, nous serons au feu et toi, tu retournes chez les Vendéens.
L'homme pâlit mais hocha la tête. Le général ajouta:
– Tu es lieutenant dans un régiment de tirailleurs d’ÉTAMPES, c’est bien cela?
– Oui.
– Si nous gagnons, tu seras colonel.
Le jeune homme sourit.
Gréville, déçu, éprouvait beaucoup de peine à masquer son irritation:
– Citoyen Dawson, est-ce de ta part malice ou incompétence?… Le 1 er juin à Brest!… Valencey d’Adana est en ligne en Vendée, comment le faire remonter si vite avec son équipage?
– Son navire est à l’île d’Aix, c’est fort peu éloigné. C'est ton messager qui sera plus long à joindre Valencey d’Adana que celui-ci son navire.
– Les messagers sont déjà en route, les pigeons également. Pourquoi as-tu tant tardé?
Dawson hésita un instant, puis:
– Ils se méfiaient de tout le monde, et pas seulement dans la Navy. Pour eux, cette affaire est d’une extrême importance. Ils poursuivent un double objectif: obtenir une grande victoire et la fêter en mettant la France révolutionnaire à genoux.
– S'ils y
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