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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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couple qui se sépare à jamais, les deux grands blessés s’écartèrent l’un de l’autre, l’Anglais très incliné sur l’eau, se traînant vers son pays, et le Français, à peine plus rapide, mettant le cap sur Brest…
    – Ramenez les drapeaux de la chambre aux trophées!… fut le premier ordre lancé par Valencey d’Adana.
    Le second, adressé à une quinzaine d’hommes, fut de regrouper tous les cadavres sur le pont arrière.
    Le troisième fut d’envoyer le reste de l’équipage porter assistance aux charpentiers, menuisiers et voiliers afin qu’on remette en état voilures et cordages de l’unique mât de La Terpsichore tandis qu’une dizaine de marins étaient affectés aux pompes, car la frégate faisait eau.
    La moitié du pont débarrassée de ses épaves jetées à la mer fut tapissée de près de deux cents drapeaux anglais, résultats de presque vingt ans de campagnes victorieuses.
    C'est sur ce lit de drapeaux qu’on déposa les cadavres et si les hommes, tous les hommes, furent émus aux larmes, ils ne s’illusionnaient plus, après ce geste, sur l’avenir de la frégate.
    Victoire tenait par les pieds le cadavre sans tête d’un caporal tandis qu’un grenadier le soutenait aux épaules. Valencey d’Adana ne proposa pas à Victoire de la soulager d’une si atroce corvée puisqu’elle s’était portée volontaire et qu’aucune hypocrisie ne régentait leurs rapports.
    Des morts, on en trouvait partout, dans les batteries, sur le pont, les passavants…
    Deux heures plus tard, seuls quelques charpentiers et voiliers travaillaient encore sur le mât, ses voiles et son gréement.
    Soixante-dix-sept cadavres étaient couchés sur les drapeaux. Le chirurgien, aidé de quelques volontaires, travaillait à la scie, au vilebrequin et au trépan. On comptait une soixantaine de blessés, dont une dizaine considérés comme des cas désespérés et près de trente dans un état grave à très grave.
    On avait doublé les effectifs aux pompes mais il fallait lutter pour défendre les cales, retarder l’inéluctable, notamment vers l’avant, dans la fosse aux câbles quand le lest, composé de galets et de vieux canons, avait déjà disparu sous l’eau.
    C'est alors que les choses se stabilisaient à peine sur cet effroyable bilan que Valencey d’Adana «sentit» le danger avant que de le voir à la lunette d’approche.
    Une bien jolie corvette anglaise, aussi curieuse qu’entreprenante et orgueilleusement baptisée Right Royal , approchait avec une prudence de hyène sentant un grand fauve blessé.
    Valencey d’Adana lança sèchement ses ordres.
    Le capitaine anglais, assez jeune, approcha avec circonspection mais déjà sa décision était prise et la tentation trop forte.
    Là, sur le pont – étendus sur des drapeaux anglais! – c’était bien des cadavres, et on devait en compter près d’une centaine. On ne simule pas des corps sans tête, démembrés, le ventre ouvert… Et combien en restait-il dans les ponts?
    Il avait immédiatement reconnu La Terpsichore , bien qu’il ne lui restât que le grand mât.
    Il s’accorda le temps de réfléchir.
    Toute la batterie bâbord était désarticulée. En outre, il voyait la catapulte du lanceur de «requin à poudre» vide. Et nul ne s’occupait de la charger. C'est d’ailleurs là que s’étaient regroupés une trentaine de Français, debout, sabre à la main au milieu d’une centaine de blessés.
    L'idée s’imposait d’elle-même: c’est à l’abordage – quelle élégance! – que sa jolie corvette terrasserait la légendaire frégate… qu’il ramènerait en remorque en Angleterre afin de la présenter au roi, et de la lui offrir.
    Les Français, en position surélevée, rejetèrent les premiers grappins tandis que leurs quelques tireurs faisaient mouche à tous coups.
    L'Anglais hésita de nouveau. L'affaire était coûteuse mais limpide: les Français, ceux qui combattaient, étaient bien une trentaine. Il fit tripler les grappins et c’est alors qu’il ne pouvait plus se dégager que…
    Une horreur!
    Des morts, des blessés se relevaient. Ces chiens de Français étaient bien une centaine, troupe vite grossie d’une vingtaine de blessés.
    Aussi souples et rapides que des singes, supérieurement entraînés, ils montaient dans la hune, s’accrochaient aux haubans et tiraient comme à l’exercice. D’autres, sur le pont, décapsulaient des grenades d’une main, les allumaient de l’autre et les

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