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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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lançaient parmi les marins anglais beaucoup trop groupés.
    Jamais les Anglais du Right Royal , dont quelques vétérans, n’avaient vu pareille haine ni semblable sauvagerie. Et c’était les Français, à présent, qui, contre-attaquant, sautaient sur le pont de la corvette, hache à la main ou baïonnette au canon. Et parmi eux, une trentaine de…
    Le jeune capitaine balbutia:
    – Des nègres!… Des grenadiers nègres!
    Le lieutenant Hyppolite et sa trentaine d’hommes, grandis encore par leur hauts bonnets à poils noirs, semaient une terreur sans nom en avançant avec leurs couperets à canne à sucre, faisant voler les têtes blondes au teint rose des marins anglais… qui capitulèrent.
    Pour la toute première fois depuis le lancement de La Terpsichore , Valencey d’Adana surprit certains de ses hommes frappant des prisonniers à coups de crosse. Un gabier abattit même à bout portant un officier tout de morgue dont il n’avait pas aimé le regard bien que l’homme eût levé les mains. Plus loin, un fusilier plongeait sa baïonnette dans le cœur d’un marin roux qui avait eu le tort de sourire avec arrogance.
    Valencey d’Adana songea alors à une phrase rapportée par son père, héros de la bataille de Fontenoy. Louis XV, assez peu guerrier, avait dit à son fils le Dauphin en désignant le champ de bataille: «Voyez tout le sang que coûte un triomphe. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner.»
    Valencey d’Adana donna de la voix, ses hommes s’immobilisèrent. Bientôt, les Anglais et leurs blessés furent entassés sur des chaloupes, leurs morts jetés par-dessus bord sans ménagement.
    L'ancien commandant de L'Argonaute , Josselin de Keringan, vieux compagnon, fut reconnu à ses épaulettes à franges d’or, son visage étant explosé.
    Le nombre des morts s’élevait à présent à quatre-vingt douze, il monta à quatre-vingt-dix-huit pendant la nuit.
    Tous furent ficelés dans leur hamac et ceux-ci lestés d’un boulet. Enfin, on les jeta à la mer après que Valencey d’Adana eut prononcé un bref discours sobre et émouvant.
    Le Right Royal , sous drapeau tricolore, et La Terpsichore approchèrent d’Ouessant dans l’aurore bleutée. On allait par instants à l’allure d’un homme à pied. Puis les équipages distinguèrent le phare de la pointe de Saint-Mathieu. Moins d’une heure plus tard, les deux bâtiments étaient visibles à l’œil nu depuis Brest.
    On s’était réjoui la veille et toute la nuit: les cent dix-sept gros navires de commerce, au grand complet, grossis de trente navires anglais capturés pendant le voyage, avaient rallié le port. Villaret de Joyeuse n’avait perdu, coulé ou capturé, que sept navires hors d’âge et encore, les bâtiments pris par les Anglais se trouvaient dans un tel état qu’il les fallut démolir!
    Les Anglais pouvaient arguer de sept navires ennemis hors de combat, et qu’ils occupaient – pour quoi faire? – le lieu de l’affrontement. La marine anglaise, cependant, n’avait pas repris ses trente navires capturés.
    Quel était le vainqueur?… À petit prix, c’est près de cent cinquante navires contenant des milliers de tonnes de ravitaillement qui avaient échappé à la Royal Navy et apporté une bouffée d’air aux Français. En termes de bateaux changeant de main, l’expédition était une défaite anglaise. Stratégiquement, c’était encore et toujours une lourde défaite anglaise car sa flotte était sortie en vain quand l’escadre française avait courageusement cassé le blocus 1 .
    Dans la liesse populaire, on avait complètement oublié La Terpsichore partie seule pour une bataille sans espoir.
    Le bonheur, parfois, rend ingrat.
    La nouvelle fit le tour de Brest et, en dix minutes, ils étaient des milliers, civils et militaires, qui regardaient la corvette attendant la grande dame touchée à mort, peinant terriblement à mettre un pied devant l’autre, puisque l’image s’imposa à certains.
    Valencey d’Adana fit arrêter les pompes et transféra ses derniers marins sur le Right Royal .
    Seul enfin, il entoura le grand mât de ses bras et l’embrassa puis, tricorne à la main, posa longuement son front contre le bois. Jamais plus, il le savait, sa frégate ne serait son enfant et sa vieille amie.
    Enfin, tête basse, le tricorne de feutre noir incliné sur les yeux, il gagna à son tour la corvette.
    Il avait gagné. Moins lui, au reste

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