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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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plus prisonniers de chaussures à talons mais de jolis souliers à boucle d’acier.
    On soupa d’un potage aux asperges, de bœuf en tranches, de cuisses de chapon bouillies, d’artichauts frits en marinade, plats auxquels le lieutenant Hyppolite, qui n’avait guère grande habitude des restaurants, fit honneur. On acheva avec cerises de Taupont, cantaloups et poires. Et bien entendu, Gréville fit servir du champagne.
    Le petit bouledogue La Fayette, un glorieux bandage sur le dos et un ruban tricolore autour du cou, ne perdit pas sa soirée en faisant plusieurs fois le tour de la table.
    Gréville, qui savait la tristesse de Victoire, de Valencey d’Adana et du lieutenant des grenadiers haut de deux mètres – sans le bonnet à poils! –, donna une intonation joyeuse à sa voix:
    – Demain, avant votre départ pour la Vendée, nous changeons «bord sur bord» comme vous dites, vous autres marins: je vous emmène dans une guinguette des bords de Seine. On y mange la meilleure matelote du monde, petits poissons coupés et cuits avec des oignons et du vin.
    Valencey d’Adana approuva d’un signe de tête distrait. Il songeait à ses hommes, cette centaine de survivants et de blessés légers: après quelques heures à la caserne Babylone, on les avait logés à celle de l’hôtel des Invalides où un grand souper leur fut offert.
    On s’était retrouvé au restaurant où les attendait Gréville, passant aussitôt à table, si bien qu’on n’aborda guère les sujets importants.
    Valencey d’Adana y vint, ayant des choses à dire mais ne voulant pas blesser le chef de la police secrète auquel il devait la vie:
    – Gréville, il m’est très pénible de parler de La Terpsichore mais il le faut . Déjà, je ne sais comment l’annoncer à Mahé…
    – J’ai pris sur moi de le prévenir, ainsi que vous aviez survécu, la princesse également, le lieutenant Hyppolite… En cet instant, un courrier doit partir de Brest pour lui faire tenir la liste des officiers et marins tués, celle des survivants, celle des blessés et leur état de santé.
    Valencey d’Adana fut soulagé:
    – Je vous en remercie, Gréville. Je voulais vous entretenir également de ceux de mes hommes qui sont ou seront amputés.
    – Comptez que je veillerai à ce qu’ils soient fort bien pensionnés, et j’ai les moyens de me faire entendre partout. De toutes les façons et de toutes les factions.
    – C'est parfait.
    Gréville joua avec son verre de champagne, le faisant rouler entre ses paumes sans même y songer:
    – Retournerez-vous, après cette guerre… dans votre pays sans nom?
    – Il en aura un quelque jour prochain, on parle déjà d’indépendance à Guatemala de Santiago qui compte une université depuis 1678. Il pourrait d’ailleurs s’appeler Guatemala.
    – Guatemala de Santiago… répéta Gréville, rêveur.
    – Nous en sommes assez loin. Une passe secrète très dissimulée à l’embouchure d’un fleuve qui se jette dans la mer des Caraïbes.
    – Vous n’avez pas répondu: y vivrez-vous?
    – J’ai été privé si longtemps et si injustement de la France… revoir ce pays que j’aime, mon château…
    Il se tourna vers Victoire:
    – Sa Tour des Demoiselles.
    Sous la table, Victoire saisit sa main et la serra avec violence, ce qui, soit dit par parenthèse, n’échappa ni à Gréville, ni à Hyppolite.
    Il reprit:
    – Sous la République enfin en paix, je vivrai en France mais ne m’interdirai pas de retourner là-bas voir ceux de mes hommes qui y sont installés. Au fait, Gréville, je conserve pour d’autres projets la jolie corvette que j’ai prise aux Anglais.
    – Vous, une corvette!
    Le lieutenant Hyppolite, amusé, regarda Valencey d’Adana qui lui adressa un petit signe d’assentiment. Aussitôt, l’officier des grenadiers expliqua à Gréville en souriant:
    – Avec la corvette, nous prendrons sans coup férir une frégate. Avec la frégate, nous prendrons si nous le voulons un deux-ponts et avec celui-ci, plus gros navire encore. Nos… nos fournisseurs anglais ont l’habitude, nous constituons une pratique fidèle.
    Valencey d’Adana protesta pour la forme, mais sur le tonnage:
    – Un trois-ponts? Vous m’étonnez, lieutenant, ces éléphants de mer sont d’un ennui!…
    Hyppolite s’anima:
    – Général, j’ai fait un rêve… Nous prenions un trois-ponts et le coulions nous-mêmes à l’entrée de la Tamise. Merde à l’Angleterre, général!…
    Brusquement sérieux,

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