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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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en saisissant la lunette d’approche que lui tendait un aide de camp.
    Le colonel, d’une voix incertaine, ajouta:
    – Général, les Bleus se battent avec beaucoup de courage et se sacrifient avec noblesse.
    – Nous n’en aurons que plus de mérite à les écraser!… répondit Blacfort.
    – Cependant, général, nous allons les envelopper par l’aile gauche puis nous rabattre: nous ferons donc des prisonniers…
    Blacfort baissa sa lunette et toisa le colonel.
    – Pas de prisonniers!… Pas un seul, vous m’entendez?…
    – Bien, général!… répondit le colonel en songeant à tous ces jeunes gens sous l’uniforme bleu de la République, tous ces foudroiements, toute cette douleur… Et il souhaita que, quelque jour prochain, ce sang retombe sur Blacfort.

13
    Les rues étaient désertes. Déjà, la lumière du jour déclinait sur Paris, laissant la place à un ciel noir. C'était une nuit d’hiver précoce qui s’annonçait là. Un vent glacial se précipitait en hurlant dans les rues sans vie.
    La charrette des condamnés à mort, ceux qui devaient «baiser la veuve» ou, autre expression en vogue, «éternuer dans le sac de son», allait lentement sur les pavés de la rue Honoré, ci-devant rue Saint-Honoré, au pas fatigué de deux vieilles haridelles.
    Les deux condamnés regardaient fixement le plancher de la charrette. S'ils avaient levé la tête, ils auraient pu lire au-dessus d’un passage: «Atelier d’armes républicaines pour foudroyer les tyrans». À peine plus loin, sur la façade d’un couvent aujourd’hui siège des Jacobins, on distinguait: «Société des Jacobins. Indivisibilité de la République, Fraternité ou la mort».
    Les deux condamnés n’attiraient pas la foule. Personne, si ce n’est un homme assez corpulent, en redingote grise, marchant à quelque distance, et peut-être allait-il simplement en cette direction, indifférent lui aussi.
    L'un des deux hommes, aux cheveux coupés haut sur la nuque et au col échancré, était un prêtre réfractaire capturé sur dénonciation dans le petit village d’Auteuil qui tant fut à la mode peu avant la Révolution.
    C'est là qu’arrivaient les nantis pour des parties fines et discrètes bien que les équipages ne le fussent point. Ainsi étaient les choses en la capitale: les riches fermiers généraux roulaient carrosse à deux chevaux, les nobles à quatre, les princes du sang à six et le roi à huit. Tous aimaient être menés dans les rues de Paris à grands fracas, coups de fouet et cris des cochers. Pareille conduite provoquait bien des accidents mais souventes fois, les riches attelages ne s’arrêtaient pas même pour la mort d’un enfant. Il arrivait qu’une main au poignet de dentelle, baissant la vitre, jeta négligemment un louis pour solde de tout compte. C'était là la manière des gens du faubourg Saint-Germain, qui par ailleurs défendaient la nature, jouaient au berger et à la bergère, exigeaient toujours davantage de baraques et guinguettes «très peuple» en bord de Seine et qu’on y fît des fêtes où ils cherchaient la chair fraîche, jeune et pauvre.
    Le second condamné, nuque rasée et col coupé, était un ancien député de l’Assemblée législative dont nul ne se souciait et bien peu se souvenaient.
    La charrette s’arrêta au pied de l’échafaud. Les aides du bourreau firent monter les quelques marches aux deux hommes qui se retrouvèrent sur la plate-forme.
    Sanson, le bourreau, désigna le prêtre en premier. Très vite, on le fit basculer sur la planche. Les sangles de cuir furent attachées à hauteur des cuisses et du torse puis le collier de bois se referma sur le cou de l’ecclésiastique. Le lourd couperet s’abattit et on entendit dans la nuit qui tombait le bouillonnement du sang qui giclait des artères.
    Déjà, Demaret, aide-bourreau au corps de colosse, pousse le cadavre. On empoigne et bascule l’ancien député sur la planche. Tout va plus vite encore, le temps est maussade et froid, Sanson et ses aides ont hâte de rentrer chez eux pour retrouver la chaleur du logis. Le couperet tombe.
    Deux condamnés en une minute et demie. Ce fut si brutal que les deux têtes ratèrent le panier de son et roulèrent sur la plate-forme avant de tomber dans la boue.
    Jacot, le balayeur, jeta un seau d’eau sur les planches ensanglantées et passa un coup de balai. Sans grande conviction: la pluie laverait à sa place.
    Outre l’inconnu en redingote grise, un observateur

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