Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
Vom Netzwerk:
trompé aux «Quatre-Vents» en parlant à la serveuse de la Place royale qu’on nommait officiellement Place de l’Indivisibilité.
    Le seul changement qu’il affectionnait, mais celui-là n’avait rien d’officiel, concernait justement le Palais-Royal surnommé par les Parisiens le «Jardin Lupanar».
    Dawson, qui avait beaucoup marché, s’épongea le front à l’aide d’un joli mouchoir de batiste. Il faisait lourd. Un vent d’ouest-sud-ouest amenait sur Paris des nuages noirs menaçants et l’approche des grosses pluies de printemps assombrissait un peu les cœurs.
    Voilà un temps qui n’arrangeait guère le moral du maître espion anglais, très mécontent de la tournée entreprise auprès de ses agents français.
    À commencer par leur chef, un gros marchand de drap logeant en une belle maison au dôme ardoisé de la Chaussée d’Antin. Celui-là, par ailleurs officier de la garde nationale, était prêt à vendre toutes sortes de secrets militaires concernant la défense de Paris, mais refusait absolument de passer à l’action, quelle qu’elle soit.
    Les cinq autres, disséminés à travers la ville, ne désarmaient pas de semblable disposition: à croire qu’ils s’étaient concertés, chose au reste assez probable.
    Si Dawson reconnaissait leur efficacité concernant l’obtention de renseignements confidentiels, il ne pouvait cependant pas se passer d’hommes de main pour sa mission principale: tuer Joachim de Niel, comte de Valencey et prince d’Adana, lorsque celui-ci viendrait à Paris. Et il y viendrait nécessairement.
    Il n’était pas dans le caractère de Francis William Dawson de ruminer des idées sombres et en toutes choses, par de bonnes dispositions naturelles, il cherchait l’aspect réjouissant. Ainsi de cette interminable promenade à travers la ville révolutionnaire, ses agents se trouvant dispersés dans des quartiers fort différents.
    Comme Paris avait changé depuis sa première visite en 1771!… Ainsi l’éclairage des rues et l’assainissement dû aux égouts quand vingt ans plus tôt on pataugeait dans la boue en laquelle on vidait les pots de chambre depuis les étages. Sans parler de l’odeur infernale, surtout l’été, du sang des animaux que les bouchers égorgeaient devant leurs boutiques, attirant des milliers de mouches.
    Pour Dawson, cette ville se définissait d’un mot: le contraste. Ainsi passait-on de ruelles sordides bordées de taudis pestilentiels à des rues dont la beauté vous laissait la gorge sèche par l’alignement magnifique de maisons neuves de grand style.
    Parfois, notamment chez les fermiers généraux accumulateurs de grandes fortunes, on tombait dans le mauvais goût avec de nouveaux hôtels particuliers de forte prétention: piliers doriques, style corinthien et toits en poivrières. Ces demeures, malgré les fortunes qu’elles engloutirent, ne pouvaient rivaliser avec la sobre beauté des ci-devant hôtels de Soubise ou d’Argenson, pour ne citer que ceux-là.
    Très observateur, Dawson ne fut pas sans remarquer que, par équipes très réduites, des ouvriers travaillaient encore à l’ordre donné un an plus tôt de faire disparaître de toutes maisons et monuments les symboles de la royauté telles les fleurs de lys, les armoiries et les couronnes.
    Dawson haussa les épaules. Il trouvait les fleurs de lys bien moins dérangeantes que la présence des chats sur les toits de Paris. Car c’est là que par milliers ces animaux qu’il détestait se retrouvaient chaque nuit. Malheureusement, les choses se passaient souvent fort mal en ces aériens boudoirs et toute cette engeance féline de sauter, crier, miauler et couiner en se battant pour les beaux yeux d’une précieuse indécise. Quoi qu’il en fût, Dawson acceptait le dérangement avec élégance et stoïcisme car contrairement aux rustauds vulgaires, péremptoires et à l’âme plus verte que mûre qui surgiraient en les siècles futurs, il savait que depuis le début de la civilisation, et dès l’Égypte ancienne, une ville sans chiens ni chats est une ville morte, une ville de cadavres haineux les uns envers les autres: le chien ne fut-il pas le premier animal dressé par l’homme, et devenu son compagnon, voici déjà plus de dix mille ans?
    Il acceptait donc l’état des choses, tout cela s’inscrivant dans une logique populaire qui fait le charme des villes du sud avec les cris des marchands ambulants, dans les rues, de l’aube à la chute du

Weitere Kostenlose Bücher