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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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soit plus grave encore!… souffla M. de Saint-Frégant, chirurgien de La Terpsichore , en se penchant sur le cadavre.
    Ses compagnons le virent ouvrir sa trousse, y saisir ses instruments, écarter les plaies sur les bras arrachés, les seins coupés, une béance au bas de l’abdomen, des déchirures profondes sur les cuisses et les fesses.
    Après une courte observation, il nettoya ses instruments avec des poignées d’herbes et se releva, le visage fermé.
    Valencey d’Adana l’interrogea sèchement:
    – Eh bien, Saint-Frégant, qu’en est-il, à la fin?
    – Commandant, cette femme a été cuite, en partie du moins, sans doute à l’aide de cette broche. Puis elle fut dévorée.
    – Par leurs chiens?… demanda Dumesnil.
    – J’aimerais vous répondre par l’affirmative, mais sur les chairs, ce sont des empreintes de dents humaines, que je relève…
    Mahé sortit un des pistolets passés dans sa ceinture et l’appliqua contre la tempe du Vendéen:
    – Parle ou crève sur l’instant.
    L'homme n’hésita pas:
    – Tout cela que vous dites est vrai, messeigneurs, ils l’ont mangée.
    – Qui?
    – Notre général et sa bande.
    – Quelle bande?
    – Ceux-là ne sont pas de Vendée, six hommes, des assassins, et deux putains, dont l’une n’a point esprit vil et méchant mais innocent et égaré. Cette nuit, avec le général, la bande moins la plus jeune se tint à l’écart en cet endroit, interdisant qu’on y vienne voir.
    – Mais toi, toi tu es venu?
    – Avec ma jambe, qui fait attention à moi?… Tous étaient partis vers ce château, j’étais resté le dernier. Je suis alors venu ici…
    – Disparais!… lança Valencey d’Adana d’un ton de grande lassitude.
    Une suite de prairies s’offrant à leurs regard, vers l’ouest, le commandant de La Terpsichore ordonna:
    – En selle, messieurs!
    Et depuis, il ne desserrait pas les dents, ressassant sa haine et son mépris contre celui qui, le trompant depuis l’enfance, glissait chaque jour davantage vers la barbarie.
    Mais Valencey d’Adana, déjà bouleversé, aurait vacillé d’effroi et de surprise s’il avait su qu’en cet instant, ivre de colère, Blacfort se trouvait sous le même toit que Victoire…

22
    Le soleil s’inclinait sur l’horizon bleu qu’il teintait d’un rose d’une infinie douceur, les nuages sombres ayant filé vers l’est.
    Une heure plus tôt, Dawson et son voleur franchissaient la porte du cabaret «Aux Trois Morts» puis, traversant la grande salle, ils en avaient gagné une seconde, plus modeste, donnant sur un jardin à demi sauvage.
    – Ils ne tarderont pas!… assura le voleur.
    – Qui?
    – Tu le verras bien, citoyen. Tu aimes les femmes, j’ai suivi ton regard: nous pouvons t’offrir cela, et bien d’autres choses.
    – Je connais les femmes qui se vendent à Paris!… répondit Dawson d’un ton suffisant. Il ne résista d’ailleurs pas à son envie d’exposer ses connaissances en ce domaine.
    Le voleur écouta d’un air distrait, jetant des regards craintifs vers la porte de la salle. Puis il s’exprima d’un ton assez impersonnel où manquait la conviction:
    – C'est vrai, tu connais assez bien les putains. Mais vois-tu, et tu ne signales point celles-là dans ta liste, un homme tel que toi, un bon bourgeois cossu, ne devrait fréquenter que les «demoiselles de journée» qui retournent chez elles, et parfois chez leur mari ignorant de leur activité, après une journée en maison.
    – Celles-ci sont trop dans le métier. J’aime les femmes qui ne sont point trop habituées à l’état de putain, les ouvrières, les bouquetières, de celles qu’on rencontre sous les arcades du Palais-Royal.
    – Prends garde à celles-ci, citoyen, elles sont souvent gâtées comme un beau fruit pourri du dedans. Évite aussi celles que tu trouves dans les cabarets, aux abords des théâtres, à la foire Saint-Germain ou aux débouchés du Pont-Neuf: toutes sont malades et boivent trop. Celles qui survivront finiront au Port-au-Bled. Connais-tu le Port-au-Bled?
    Dawson hocha la tête. Lors d’une promenade dans Paris, c’est par hasard qu’il avait découvert cet endroit affreux hanté par de pauvres vieilles putains hideuses et édentées qui ne pouvaient guère contenter que des brutes à la volupté sommaire.
    Mais les étonnants Parisiens les toléraient, les protégeaient, même, comme ils le faisaient des mendiants bénéficiant de sympathies dans le peuple. Bien avant la

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