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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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ta faveur, mon fils,
donner à l’univers un grand spectacle et parler devant une grande
foule, quoique hoquetant et toussant, – car je mangeai trop toute
ma vie, mon fils, – ­et tu devras avoir le cœur bien dur si, après
m’avoir entendu, tu ne verses pas quelques larmes. »
    « – Je pleurerai, mon père, répond le roi
Philippe. »
    « Puis Sa Sainte Majesté parle à un valet qui a nom
Dubois :
    « – Dubois, dit-Elle, baille-moi un morceau de sucre de
Madère : j’ai le hoquet. Pourvu qu’il ne m’aille pas saisir
quand je parlerai à tout ce monde ! Cette oie d’hier ne
passera donc jamais ! Si je buvais un hanap de vin
d’Orléans ? Non, il est trop cru ! Si je mangeais
quelques anchois ? Ils sont bien huileux. Dubois, donne-moi du
vin de Romagne. »
    » Dubois donne à Sa Sainte Majesté ce qu’Elle demande, puis lui
met une robe de velours cramoisi, la couvre d’un manteau d’or, la
ceint de l’épée, lui met aux mains le sceptre et le globe, et sur
la tête la couronne.
    » Puis Sa Sainte Majesté sort de la maison du Parc, montée sur
une petite mule et suivie du roi Philippe et de maints hauts
personnages. Ils vont ainsi en un grand bâtiment qu’ils nomment
palais, et y trouvent en une chambre un homme de haute et mince
taille, richement vêtu, et qu’ils nomment d’Orange
    » Sa Sainte Majesté parle à cet homme et lui dit :
    » – Ai-je bonne mine, cousin Guillaume ? »
    » Mais l’homme ne répond point.
    » Sa Sainte Majesté lui dit alors, moitié riant, moitié
fâchée : »
    » – Tu seras donc toujours muet, mon cousin, même pour dire
leurs vérités aux antiquailles ? Faut-il que je règne encore
ou que j’abdique, Taiseux ? »
    « – Sainte Majesté, répond l’homme mince, quand vient
l’hiver, les plus forts chênes laissent tomber leurs
feuilles. »
    » Trois heures sonnent
    « – Taiseux, dit-Elle, prête-moi ton épaule que je m’y
appuie. »
    » Et Elle entre avec lui et sa suite dans une grande salle,
s’assied sous un dais et sur une estrade couverts de soie ou de
tapis cramoisis. Là sont trois sièges : Sa Sainte Majesté
prend celui du milieu, plus orné que les autres et surmonté d’une
couronne impériale ; le roi Philippe s’assied sur le deuxième,
et le troisième est pour une femme, qui est une reine sans doute. À
droite et à gauche, sont assis sur des bancs tapissés, des hommes
vêtus de rouge et portant au cou un mouton en or. Derrière eux se
tiennent plusieurs personnages qui sont sans doute princes et
seigneurs. Vis-à-vis et au bas de l’estrade sont assis, sur des
bancs non tapissés, des hommes vêtus de drap. Je leur entends dire
qu’ils ne sont assis et vêtus si modestement que parce qu’ils
payent à eux seuls toutes les charges. Chacun s’est levé quand Sa
Sainte Majesté est entrée, mais Elle s’est bientôt assise et fait
signe à chacun de l’imiter.
    » Un homme vieux parle alors de la goutte longuement, puis la
femme, qui semble être une reine, remet à Sa Sainte Majesté un
rouleau de parchemin où il y a des choses écrites que Sa Sainte
Majesté lit en toussant et d’une voix sourde et basse, et parlant
d’Elle-même, dit :
    « J’ai fait maints voyages en Espagne, en Italie, aux
Pays-Bas, en Angleterre et en Afrique, le tout pour la gloire de
Dieu, le renom de mes armes et le bien de mes peuples. »
    » Puis, ayant parlé longuement Elle dit qu’Elle est débile et
fatiguée et veut mettre la couronne d’Espagne, les comtés, duchés,
marquisats de ces pays aux mains de son fils.
    » Puis Elle pleure, et tous pleurent avec Elle.
    » Le roi Philippe se lève alors, et tombant à genoux :
    « – Sainte Majesté, dit-il, m’est-il permis de recevoir
cette couronne de vos mains quand vous êtes si capable de la porter
encore ! »
    » Puis Sa Sainte Majesté lui dit à l’oreille de parler
bénévolement aux hommes qui sont assis sur les bancs tapissés.
    » Le roi Philippe, se tournant vers eux, leur dit d’un ton aigre
et sans se lever :
    « – J’entends assez bien le français, mais pas assez pour
vous parler en cette langue. Vous entendrez ce que l’évêque
d’Arras, monsieur Grandvelle, vous dira de ma part. »
    « – Tu parles mal, mon fils, » dit Sa Sainte Majesté.
    » Et de fait, l’assemblée murmure en voyant le jeune roi si fier
et si hautain. La femme, qui est la reine, parle aussi pour faire
son éloge, puis vient le tour d’un vieux docteur

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