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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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versant à boire, il eut vent
de quelque niche, sortit et se tint à la porte pour écouter leur
discours. Il entendit le
dikzak
disant de lui :
    – C’est le peintre du landgrave qui lui bailla plus de mille
florins pour un tableau. Festoyons-le de bière et de vin, il nous
en rendra le double.
    – Amen, dirent les autres.
    Ulenspiegel alla attacher son âne tout sellé à mille pas de là,
chez un fermier, donna deux patards à une fille pour le garder,
rentra dans la salle de l’auberge et s’assit à la table des
Smaedelyke broeders
, sans mot dire. Ceux-ci lui versèrent
à boire et payèrent. Ulenspiegel faisait sonner dans sa gibecière
les florins du landgrave, disant qu’il venait de vendre son âne à
un paysan pour dix-sept
daelders
d’argent.
    Ils voyagèrent mangeant et buvant, jouant du fifre, de la
cornemuse et du
rommel-pot
et ramassant en chemin les
commères qui leur semblaient avenantes. Ils procréèrent ainsi des
enfants du bon Dieu, et notamment Ulenspiegel, dont la commère eut
plus tard un fils qu’elle nomma
Eulenspiegelken
, ce qui
veut dire petit miroir et hibou en haut allemand, et cela parce que
la commère ne comprit pas bien la signification du nom de son homme
de hasard et aussi peut-être en mémoire de l’heure à laquelle fut
fait le petit. Et c’est de cet
Eulenspiegelken
qu’il est
dit faussement qu’il naquit à Knittingen, au pays de Saxe.
    Se laissant traîner par leur vaillant cheval, ils allaient le
long d’une chaussée au bord de laquelle étaient un village et une
auberge portant pour enseigne :
In den ketele
 :
Au Chaudron. Il en sortait une bonne odeur de fricassées.
    Le
dikzak
qui jouait du
rommel-pot
alla au
baes
et lui dit en parlant d’Ulenspiegel :
    – C’est le peintre du landgrave : il payera tout.
    Le
baes
, considérant la mine d’Ulenspiegel, qui était
bonne, et entendant le son des florins et daelders, apporta sur la
table de quoi manger et boire. Ulenspiegel ne s’en faisait point
faute. Et toujours sonnaient les écus de son escarcelle. Maintes
fois, il avait aussi frappé sur son chapeau en disant que là était
son plus grand trésor. Les ripailles ayant duré deux jours et une
nuit, les
Smaedelyke broeders
dirent à
Ulenspiegel :
    – Vidons de céans et payons la dépense.
    Ulenspiegel répondit :
    – Quand le rat est dans le fromage, demande-t-il à s’en
aller ?
    – Non, dirent-ils.
    – Et quand l’homme mange et boit bien, cherche-t-il la poussière
des chemins et l’eau des sources pleines de sangsues ?
    – Non, dirent-ils.
    – Donc, poursuivit Ulenspiegel, demeurons ici tant que mes
florins et daelders nous serviront d’entonnoirs pour verser dans
notre gosier les boissons qui font rire.
    Et il commanda à l’hôte d’apporter encore du vin et du
saucisson. Tandis qu’ils buvaient et mangeaient, Ulenspiegel
disait :
    – C’est moi qui paye, je suis landgrave présentement. Si mon
escarcelle était vide, que feriez-vous, camarades ? Vous
prendriez mon couvre-chef de feutre mou et trouveriez qu’il est
plein de carolus, tant au fond que sur les bords.
    – Laisse-nous tâter, disaient-ils tous ensemble. Et soupirant,
ils y sentaient entre leurs doigts de grandes pièces ayant la
dimension de carolus d’or. Mais l’un d’eux le maniait avec tant
d’amitié qu’Ulenspiegel le reprit, disant :
    – Laitier impétueux, il faut savoir attendre l’heure de
traire.
    – Donne-moi la moitié de ton chapeau, disait le
Smaedelyk
broeder
 :
    – Non, répondait Ulenspiegel, je ne veux pas que tu aies une
cervelle de fou, la moitié à l’ombre et l’autre au soleil.
    Puis donnant son couvre-chef au
baes
.
    – Toi, dit-il, garde-le toutefois, car il est chaud. Quant à
moi, je vais me vider dehors.
    Il le fit, et l’hôte garda le chapeau.
    Bientôt il sortit de l’auberge, alla chez le paysan, monta sur
son âne et courut le grand pas sur la route qui mène à Embden.
    Les
Smaedelyke broeders
, ne le voyant pas revenir,
s’entredisaient :
    – Est-il parti ? Qui payera la dépense ?
    Le
baes
, saisi de peur, ouvrit d’un coup de couteau le
chapeau d’Ulenspiegel. Mais, au lieu de carolus, il n’y trouva
entre le feutre et la doublure que de méchants jetons de
cuivre.
    S’emportant alors contre les
Smaedelyke broeders
, il
leur dit :
    – Frères en friponnerie, vous ne sortirez pas d’ici que vous n’y
ayez laissé tous vos vêtements, la chemise seule exceptée.
    Et ils durent se dépouiller

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