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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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qui, lorsqu’il a
fini, reçoit un signe de main de Sa Sainte Majesté, en façon de
remerciement. Ces cérémonies et harangues finies, Sa Sainte Majesté
déclare ses sujets libres de leur serment de fidélité, signe les
actes pour ce dressés, et se levant de son trône, y place son fils.
Et chacun pleure dans la salle. Puis ils s’en revont à la maison du
Parc. »
    Là, étant derechef en la chambre verte, seuls et toutes portes
closes, Sa Sainte Majesté rit aux éclats, et parlant au roi
Philippe, qui ne rit point :
    « – As-tu vu, dit-Elle, parlant, hoquetant et riant à la
fois, comme il faut peu pour attendrir ces bonshommes ? Quel
déluge de larmes ! Et ce gros Maes qui, en terminant son long
discours, pleurait comme un veau. Toi-même parus ému, mais pas
assez. Voilà les vrais spectacles qu’il faut au populaire. Mon
fils, nous autres hommes, nous chérissons d’autant plus nos amies
qu’elles nous coûtent davantage. Ainsi des peuples. Plus nous les
faisons payer, plus ils nous aiment. J’ai toléré en Allemagne la
religion réformée que je punissais sévèrement aux Pays-Bas. Si les
princes d’Allemagne avaient été catholiques, je me serais fait
luthérien et j’aurais confisqué leurs biens. Ils croient à
l’intégrité de mon zèle pour la foi romaine et regrettent de me
voir les quitter. Il a péri, de mon fait, aux Pays-Bas, pour cause
d’hérésie, cinquante mille de leurs hommes les plus vaillant et de
leurs plus mignonnes fillettes. Je m’en vais : ils se
lamentent. Sans compter les confiscations, je les ai fait
contribuer plus que les Indes et le Pérou : ils sont marris de
me perdre. J’ai déchiré la paix de Cadzant, dompté Gand, supprimé
tout ce qui pouvait me gêner ; libertés, franchises,
privilèges, tout est soumis à l’action des officiers du
prince : ces bonshommes se croient encore libres parce que je
les laisse tirer de l’arbalète et porter processionnellement leurs
drapeaux de corporations. Ils sentirent ma main de maître :
mis en cage, ils s’y trouvent à l’aise, y chantent et me pleurent.
Mon fils, sois avec eux tel que je le fus : bénin en paroles,
rude en actions, lèche tant que tu n’as pas besoin de mordre. Jure,
jure toujours leurs libertés, franchises et privilèges, mais s’ils
peuvent être un danger pour toi, détruis-les. Ils sont de fer quand
on y touche d’une main timide, de verre quand on les brise avec un
bras robuste. Frappe l’hérésie, non à cause de sa différence avec
la religion romaine, mais parce qu’en ces Pays-Bas elle ruinerait
notre autorité ; ceux qui s’attaquent au Pape, qui porte trois
couronnes, ont bientôt fui des princes qui n’en ont qu’une.
Fais-en, comme moi de la libre conscience, un crime de
lèse-majesté, avec confiscation de biens, et tu hériteras comme
j’ai fait toute ma vie, et quand tu partiras pour abdiquer ou pour
mourir, ils diront : « Oh ! le bon
prince ! » Et ils pleureront. »
    « Et je n’entends plus rien, poursuivit Nele, car Sa Sainte
Majesté s’est couchée sur un lit et dort, et le roi Philippe,
hautain et fier, le regarde sans amour. »
    Ce qu’ayant dit, Nele fut éveillée par Katheline.
    Et Claes, songeur, regardait la flamme du foyer éclairer la
cheminée.

LIX
     
    Ulenspiegel, en quittant le landgrave de Hesse, monta sur son
âne et traversant la Grand’Place, rencontra quelques faces
courroucées de seigneurs et de dames, mais il n’en eut point de
souci.
    Bientôt il arriva sur les terres du duc de Lunebourg, et y fit
rencontre d’une troupe de
Smaedelyke broeders
, joyeux
Flamands de Sluys qui mettaient tous les samedis quelque argent de
côté pour aller une fois l’an voyager en pays d’Allemagne.
    Ils s’en allaient chantant, dans un chariot découvert et traîné
par un vigoureux cheval de Veurne-Ambacht, lequel les menait
batifolant par les chemins et marais du duché de Lunebourg. Il en
était parmi eux qui jouaient du fifre, du rebec, de la viole et de
la cornemuse avec grand fracas. À côté du chariot marchait
souventes fois un
dikzak
jouant du
rommel-pot
et
cheminant à pied, dans l’espoir de faire fondre sa bedaine.
    Comme ils étaient à leur dernier florin, ils virent venir à eux
Ulenspiegel, lesté de sonnante monnaie, entrèrent en une auberge et
lui payèrent à boire. Ulenspiegel accepta volontiers. Voyant
toutefois que les
Smaedelyke broeders
clignaient de l’œil
en le regardant et souriaient en lui

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