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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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mélancolique
souvenance, il dit :
    – Allons boire.
    Mais Lamme, n’entendant point Ulenspiegel, regardait aussi les
paires d’amoureux.
    – Jadis aussi nous passions, ma femme et moi, nous aimant au nez
de ceux qui, comme nous, au bord des fossés, s’étendent, sans
femme, solitaires.
    – Viens boire, disait Ulenspiegel, nous trouverons les Sept au
fond d’une pinte.
    – Propos de buveur, répondait Lamme ; tu sais que les Sept
sont des géants qui ne pourraient tenir debout sous la grande voûte
de l’église du Saint-Sauveur.
    Ulenspiegel, songeant à Nele tristement, et aussi qu’il
trouverait peut-être en quelque hôtellerie bon gîte, bon souper,
hôtesse avenante, dit derechef :
    – Allons boire !
    Mais Lamme n’écoutait point, et disait en regardant la tour de
Notre-Dame :
    – Madame sainte Marie, patronne des légitimes amours,
octroyez-moi de voir encore sa gorge blanche, doux oreiller.
    – Viens boire, disait Ulenspiegel, tu la trouveras, la montrant
aux buveurs, dans une taverne.
    – Oses-tu si mal penser d’elle ? disait Lamme.
    – Allons boire, dit Ulenspiegel, elle est
baesine
quelque part, sans doute.
    – Discours de soif, disait Lamme.
    Ulenspiegel poursuivit :
    – Peut-être tient-elle en réserve pour les pauvres voyageurs un
plat de beau bœuf étuvé dont les épices embaument l’air, point trop
grasses, tendres, succulentes comme feuilles de roses, et nageant
comme poissons de mardi-gras entre le girofle, la muscade, les
crêtes de coq, ris-de-veau et autres célestes friandises.
    – Méchant ! dit Lamme, tu me veux faire mourir sans doute.
Ignores-tu que depuis deux jours nous ne vivons que de pain sec et
de petite bière ?
    – Discours de faim, répondit Ulenspiegel. Tu pleures d’appétit,
viens manger et boire. J’ai un beau demi-florin qui payera les
frais de nos ripailles.
    Lamme riait. Ils allèrent quérir leur chariot et parcoururent
ainsi la ville, cherchant quelle était la meilleure auberge. Mais
voyant plusieurs museaux de
baes
revêches et de
baesines
peu compatissantes, ils passèrent outre, songeant
qu’aigre trogne est mauvaise enseigne à cuisine hospitalière.
    Ils arrivèrent au Marché du Samedi et entrèrent en l’hôtellerie
nommée
De Blauwe Lanteern
, la Lanterne Bleue. Là était un
baes
de bonne mine.
    Ils remisèrent leur chariot et firent mettre l’âne à l’écurie,
en la compagnie d’un picotin d’avoine. Ils se firent servir à
souper mangèrent leur saoûl, dormirent bien, et se levèrent pour
manger encore. Lamme, crevant d’aise, disait :
    – J’entends en mon estomac musique céleste.
    Quand vint le moment de payer, le
baes
vint à Lamme et
lui dit :
    – Il me faut dix patards.
    – Il les a, lui disait Lamme montrant Ulenspiegel qui
répondit :
    – Je ne les ai point.
    – Et le demi-florin ? dit Lamme.
    – Je ne l’ai point, répondit Ulenspiegel.
    – C’est bien parier, dit le
baes
 ; je vais vous
ôter à tous deux votre pourpoint et votre chemise.
    Soudain Lamme, prenant courage de bouteille :
    – Et si je veux manger et boire, moi, s’exclama-t-il, manger et
boire, oui, boire pour vingt-sept florins et davantage, je le
ferai. Penses-tu qu’il n’y ait pas un sou vaillant en cette
bedaine ? Vive Dieu ! elle ne fut jusqu’ici nourrie que
d’ortolans. Tu n’en portas jamais de semblable sous ta ceinture de
cuir graisseux. Car tu as comme un méchant ton suif au collet du
pourpoint, et non comme moi trois pouces de lard friand sur la
bedaine !
    Le
baes
était tombé en extase de fureur. Bégayant de
nature, il voulait parler vite ; plus il se pressait, plus il
éternuait comme chien sortant de l’eau. Ulenspiegel lui jetait des
boulettes de pain sur le nez. Et Lamme, s’animant davantage,
continuait :
    – Oui, j’ai de quoi payer ici tes trois poules maigres, tes
quatre poulets galeux et ce grand niais de paon qui promène sa
queue crottée dans ta basse-cour. Et si ta peau n’était pas plus
sèche que celle d’un vieux coq, si tes os ne tombaient pas en
poussière, j’aurais encore de quoi te manger, toi, ton valet
morveux, ta servante borgne et ton cuisinier, qui, s’il avait la
gale, aurait les bras trop courts pour se gratter.
    Voyez-vous, poursuivait-il, voyez-vous ce bel oiseau qui, pour
un demi-florin, nous veut ôter notre pourpoint et notre
chemise ? Dis-moi ce que vaut ta garde-robe, loqueteux
outrecuidant, et je t’en donne trois liards.
    Mais le
baes
, entrant de

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